Alors même que sa capitale est plongée dans un brouillard toxique, l’Inde a mené la charge pour affaiblir les engagements contre le charbon lors du sommet de la COP26, privilégiant, selon les experts, sa croissance économique au détriment de l’avenir de la planète.
Le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre s’est entendu avec la Chine pour atténuer la formulation sur les énergies fossiles lors de la conférence de Glasgow, obligeant les participants à un compromis : l’accord sur le climat engage à une « réduction » au lieu d’une « sortie » du charbon.
Les raisons de cette résistance indienne à une lutte plus ambitieuse contre les carburants polluants sont à chercher du côté de son besoin d’énergie bon marché, pour alimenter une économie en expansion et sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté. « Nous avons une grande population qui n’a toujours pas atteint un niveau de vie minimum de base », explique à l’AFP Samrat Sengupta, spécialiste du changement climatique au Centre pour la Science et l’Environnement, basé à New Delhi.
Certes, le Premier ministre Narendra Modi s’est engagé à sortir son pays du charbon, mais il a précisé devant les délégués à Glasgow que l’Inde ne vise la neutralité carbone que pour 2070, soit dix ans après la Chine et 20 ans après les autres grands émetteurs de CO2.
Sans actes forts rapides, les experts craignent une augmentation des émissions de l’Inde dans les prochaines années, sapant les efforts mondiaux pour endiguer le réchauffement climatique et ses conséquences catastrophiques. « L’Inde est extrêmement vulnérable au changement climatique, avec un risque accru de perturbation des systèmes de mousson, de pluies diluviennes ainsi que de chaleurs extrêmes », avertit Matthew England, climatologue de l’Université de Nouvelle-Galles-du-Sud.
Brouillard toxique
Les conséquences de l’addiction de l’Inde aux énergies fossiles sont déjà bien visibles, avec un brouillard gris épais enveloppant New Delhi et ses 20 millions d’habitants chaque année en hiver. Au jour même de la finalisation de l’accord de la COP26, New Delhi fermait ses écoles pour une semaine afin d’éviter aux enfants de sortir. Ce brouillard toxique cause des millions de morts en Inde chaque année et une récente étude de l’Université de Chicago a estimé que la pollution de l’air réduit de neuf ans l’espérance de vie de 40% des Indiens.
Ce samedi 13 novembre, les niveaux de particules fines en suspension PM2,5 (les plus dangereuses, au diamètre inférieur à 2,5 microns) dépassaient les 300 microgrammes par mètre cube, soit plus de dix fois la limite quotidienne recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon un rapport publié en 2020 par l’organisation suisse IQAir, 22 des 30 villes les plus polluées du monde se situent en Inde et New Delhi est la capitale la plus polluée de la planète. Selon la revue médicale The Lancet, la pollution est à l’origine de 1,67 million de décès en Inde en 2019, dont près de 17.500 dans la capitale.
UP’Magazine Alexandre Aget