QUAND L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE FAIT TOURNER LES ÉOLIENNES
CScience par Annie Bourque 18 Novembre 2020
Situé à Gaspé, le Centre de recherche appliquée spécialisé dans l’innovation en matière d’énergies renouvelables Nergica participe à un projet d’envergure concernant l’implantation d’un modèle d’intelligence artificielle dans l’univers des éoliennes.
Ce projet d’une durée de trois ans est réalisé en collaboration avec Innergex, un producteur d’énergies vertes en activité entre autres dans 32 parcs éoliens et Collineo, une société de robotique de Boucherville reconnue comme un chef de file dans les solutions automatisées du monde industriel.
Depuis 2011, l’équipe de Collineo est une pionnière et continue d’innover dans le marché de l’inspection des pales d’éolienne. « L’entreprise a développé son système optique très puissant qui peut voir les détails les plus fins, même à 100 mètres de distance à partir du sol. Le système prend des photos des pales d’éoliennes et en analysant les images, on peut alors déceler des défauts mineurs ou majeurs », explique David Durette, analyste recherche et innovation chez Nergica. Ce système, précise-t-il, a été développé en partenariat avec Innergex.
Ces données sont importantes puisqu’un bris peut entraîner un arrêt de fonctionnement de l’appareil. Surtout l’inspection visuelle qu’elle soit par jumelles, par télescope, par drone ou sur corde, peut déterminer le coût des prochaines réparations.
« Certains types de défauts mineurs peuvent coûter beaucoup plus cher à réparer si on les laisse se détériorer avant d’agir. Une réparation précoce peut ainsi devenir très avantageuse en terme de coût et pour la durée de vie de la pale», explique M. Durette.
AVANTAGES
En analysant les images de pales par un procédé d’intelligence artificielle, le principal avantage est la répétabilité de traitement et l’analyse détaillée d’énormes volumes de données. L’intelligence artificielle permettra ainsi de sauver du temps et des coûts et prédire si une réparation est urgente ou non.
La clé du succès du projet, selon les dirigeants de l’entreprise Innergex réside dans le traitement, l’analyse et l’interprétation des données d’inspection. Au quotidien, la compagnie cherche continuellement à optimiser ses opérations de maintenance dans ses parcs éoliens situés au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde.
JUMEAU NUMÉRIQUE
L’objectif du projet de recherche résume M. Durette est de développer un jumeau numérique, c’est-à-dire une méthode prédictive d’évaluation de la santé des pales d’éolienne qui s’appuie sur l’ensemble des données provenant des différentes méthodes d’inspection dont le fameux système optique développé par Collineo.
L’entreprise Collineo possède déjà une base de données provenant de l’analyse des éoliennes.
Les trois partenaires estiment que ce projet permettra une percée dans le domaine de l’automatisation et de la classification d’images par intelligence artificielle. Surtout, il augmentera grandement l’efficacité des inspections.
ÉTUDIANTS RECHERCHÉS
Le projet prévoit recruter des étudiants qui fréquentent le Cégep de la Gaspésie et des Îles. L’an dernier, une étudiante en Sciences naturelles basée aux Îles-de-la-Madeleine a travaillé avec l’équipe de Nergica. « À l’aide d’un logiciel, elle analysait chacune des images prises par le télescope. Nous avons utilisé son rapport pour bâtir un modèle d’intelligence artificielle », précise M. Durette.
PROJETS
Ce projet d’évaluation de santé des pales éoliennes est l’un des plus importants projets pour l’organisme sans but lucratif Nergica qui emploie environ 40 personnes à Gaspé.
L’expertise des Gaspésiens est déjà reconnue pour leurs conseils et le soutien technique octroyé aux opérateurs de parcs éoliens au Québec et ailleurs dans le monde. « On est reconnu pour analyser les performances des éoliennes affectées par le givre, indique-t-il. C’est une grande problématique car plus, il y a du givre sur les pales, plus elles sont lourdes et cela les empêche même de tourner. »
Ces spécialistes dans l’innovation des énergies renouvelables tentent d’obtenir des subventions qui permettront la réalisation de projets dans le Grand Nord.
Là-bas, le territoire compte de nombreuses génératrices fonctionnant au diesel, une source importante de pollution. « On souhaite un jour remplacer le diesel en intégrant au maximum l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Ainsi, on s’appuierait sur l’intelligence artificielle qui permettra de prédire la production énergétique selon les conditions météorologiques », conclut M. Durette.
EN CHIFFRES
12 % des temps d’arrêt des éoliennes sont attribués aux bris des pales et du moyeu des éoliennes.
75 % des défauts répertoriés sur les pales concerne l’érosion.
25 % de pertes financières annuelles causées par des bris ou l’érosion des pales qui sont rapportés chez certains sites éoliens.