Crise systémique globale : Retour imminent à la réalité

Depuis 12 ans, l’Occident peine à comprendre le message de la crise de 2008 : « Vous n’êtes plus tout seuls sur la planète ! Dollar, organisations internationales dominées par l’Occident, marchés financiers occidentalo-centrés, flux commerciaux tournés vers l’Europe et les Etats-Unis …, la belle tuyauterie des échanges globaux mise en place durant la première moitié du XXe siècle doit être remplacée au plus vite pour ne pas exploser sous la pression des flux gigantesques à faire circuler ! ».
Ce qui n’est pas une mince affaire… surtout lorsqu’on veut rester numéro 1 alors qu’on ne représente plus qu’1/10e de la population mondiale (UE+USA = 800 millions de personnes environ sur 8 milliards bientôt[1]).
Dans ce camp occidental, l’Europe a pourtant appris à ne plus être numéro 1 et s’en porte très bien… La Suisse ou le Luxembourg, pour ne citer que les plus évidents, donnent des exemples de la déconnexion entre la taille et le plaisir[2].
L’Amérique en revanche, en réponse à cet impératif de transformation, s’est engagée dans une délirante (delusional) fuite en avant qui, bien loin de l’aider à se repositionner, finit d’épuiser ses dernières forces. Les think-tanks washingtoniens et autres officines des stratégies de puissance de l’Amérique sont peut-être très intelligents mais ils semblent ne pas connaître leurs classiques : il est des moments dans l’Histoire où il faut éviter de se retrouver dans le rôle de « la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf ».
Le retour à la réalité est le fil conducteur de l’ensemble de ce numéro car il concerne aussi bien l’industrie automobile que le Brexit et même les matières premières. Mais nous plaçons en priorité sous ce thème trois psychoses de l’Amérique des trente dernières années :
. le rêve de démocratisation planétaire ;
. le fantasme de suprématie énergétique ;
. le délire de domination numérique du monde ;
Ces trois axes stratégiques, à l’œuvre depuis vingt à trente ans, ont littéralement épuisé les forces d’une Amérique dont toutes les richesses produites et captées n’ont fait qu’alimenter la mégalomanie pour un retour sur investissement inexistant (elle n’est pas redevenue numéro 1). Sur les trois axes, nous anticipons un imminent et soudain atterrissage dans les réalités du XXIe siècle.
Il est toujours difficile d’anticiper les formes diverses que prendra ce retour d’élastique. Mais d’un point de vue systémique (et psychiatrique), les prises de conscience de la réalité sont toujours une bonne chose… pour le principal intéressé comme pour son entourage : la société américaine exsangue a grandement besoin que ses élites s’intéressent à son sort, et le reste du monde que l’ancien leader retrouve une place dans un ordre multipolaire reconnu et accepté.
C’est un pari d’optimisme que nous faisons dans ce numéro destiné une fois de plus à éclairer les pistes d’avenir dans l’obscurité des grands culs-de-sac de l’Histoire.