Artprice est fière de présenter ce rapport exclusif qui retrace l’évolution du Marché de l’Art Contemporain sur 20 ans.
Edito de thierry Ehrmann
Président et fondateur d’Artprice by Artmarket.com
Cette histoire implique une multitude de facteurs sociologiques, géopolitiques et historiques, qui ont tous participé à l’essor de l’Art Contemporain sur le Marché de l’Art mondial. Marginal jusqu’à la fin des années 90, l’Art Contemporain pèse désormais 15% des ventes aux enchères de Fine Art, dont il est devenu le moteur avec une croissance de +2.100% en 20 ans.
Cette extraordinaire progression est portée par les passions que suscite l’Art Contemporain, mais elle repose aussi sur la confiance que celui-ci a su gagner. Désormais, les collectionneurs ne préfèrent plus nécessairement un artiste mort, mais ils se laissent convaincre par de nouvelles techniques, de nouvelles formes d’art, de nouvelles influences. Aujourd’hui, en temps de crise, le Marché de l’Art Contemporain ne s’arrête plus. Il est au contraire le segment qui s’adapte le plus rapidement aux changements et celui qui se prête le mieux aux ventes en ligne.
Comment certains artistes vivants se sont-ils élevés au rang de véritables icônes, pendant que le nombre d’artistes contemporains vendus aux enchères a été multiplié par cinq et que de nouvelles places de marché ont éclos aux quatre coins du monde? Si certains prix ont progressé extrêmement vite, si vite que le MoMA n’a pas pu acquérir une toile de Jean-Michel Basquiat, un nouveau marché d’oeuvres abordables a été créé, avec des estampes, des multiples et des produits dérivés qui circulent abondamment.
S’inspirant du Pop Art, l’Art Contemporain continue de se démocratiser, pour renouer la discussion avec un public beaucoup plus large. Le Street Art symbolise ce rapprochement: les pochoirs de Banksy sont connus du monde entier. La reconnaissance des artistes femmes, parmi les plus jeunes générations, est une révolution certainement plus importante encore, à laquelle s’ajoute le nouveau succès des artistes africains et issus de la diaspora.
En somme, c’est une très longue et très profonde transformation que le Marché de l’Art Contemporain a traversé en 20 ans. Artprice l’a suivie patiemment: sa montée en puissance exponentielle jusqu’en 2008, jusqu’à la vente insolente de Damien Hirst chez Sotheby’s au lendemain de la faillite de Lehman Brothers; puis l’arrivée de la Chine et le pic atteint en 2014; jusqu’au mois de mars 2020, où le rythme du Marché de l’Art a subitement été cassé par une crise sanitaire sans précédent.
C’est une période idéale pour analyser les métamorphoses du Marché de l’Art Contemporain, la partie du Marché qui concentre les plus grands enjeux, avant que celui-ci ne reprenne tout à fait ses activités.
Ruée sur l’Art Contemporain Le Marché prend un nouveau virage au début du XXIème siècle avec l’afflux de nouveaux acheteurs millionnaires et l’arrivée de la Chine sur l’échiquier.

Le Marché de l’Art contemporain n’est plus ce qu’il était il y a 20 ans. Il a profondément changé structurellement, avec de plus en plus d’artistes (de 5.400 artistes à près de 32.000 aujourd’hui), de plus en plus d’oeuvres (on est passé de 12.000 lots offerts à 123.000). Il s’est étoffé et étendu géographiquement, passant de 39 à 64 pays actifs aux enchères. Il s’est accéléré, avec la fluidification des transactions à distance, pour finalement s’imposer comme le segment le plus dynamique et le plus profitable de l’ensemble du Marché de l’Art. En 20 ans, le nombre de maisons de ventes participant au Marché de l’Art contemporain a presque doublé, le nombre de sessions spécialisées a triplé, le nombre de lots vendus a été multiplié par six.
Les chiffres de la croissance
2000 | 2010 | 2019 | |
---|---|---|---|
Produit de ventes | 92m$ | 1 145 m$ | 1 993 m$ |
Meilleur résultat | 2,2m$ | 16,9 m$ | 91,1 m$ |
Prix moyen | 7 430 $ | 30 400 $ | 25 140 $ |
Lots vendus | 12 355 | 37 670 | 79 290 |
Lots présentés | 19 180 | 61 885 | 122 875 |
Taux d’invendus | 36 % | 39 % | 35 % |
Sessions | 1 794 | 2 960 | 5 874 |
Artistes | 5 425 | 18 284 | 31 918 |
Villes | 359 | 377 | 539 |
Pays | 39 | 58 | 64 |
Maisons de ventes | 467 | 618 | 843 |
Frais acheteur | 14,4% | 16,9% | 20,0% |
Part de marché | 2,9% | 8,6% | 14,9% |
Meilleur artiste | Basquiat | ||
© artprice.com |
Le Marché de l’Art contemporain a gagné 1Mrd$ en 20 ans.
Autrefois minoritaire, le segment contemporain pèse désormais 15% du Marché de l’Art global. Au seuil des 2Mrd$ de résultat – contre moins de 92 millions en 2000 – il surpasse la période des Maîtres Anciens et celle du XIXème siècle. Récemment, une oeuvre de BASQUIAT a dépassé le résultat mondial de l’année 2000, en se vendant pour plus de 100m$, c’est dire combien l’échelle de valeur a évolué. Basquiat pourrait de nouveau passer ce palier de prix dans le futur, et il se peut qu’il ne soit pas le seul. D’ailleurs, une poignée de nos créateurs contemporains sont déjà consacrés comme des “valeurs” aussi importantes que les plus grands modernes, de Monet à Picasso.
En entrant dans le XXIème siècle, l’Art Contemporain est devenu le premier moteur de croissance du Marché de l’Art global.
Basquiat encadre les records de ces 20 dernières années. Il est l’auteur de la première œuvre contemporaine millionnaire (1998) comme du dernier record mondial (2017). Entre temps, les prix n’ont cessé d’être tirés vers le haut: son record est passé de 1,7m$ à plus de 110m$. Il a donc été multiplié par 65 en 20 ans. Sur cette même période, le prix moyen d’une œuvre contemporaine a triplé (passant de 7.430$ à 25.140$), enregistrant la hausse la plus importante de l’ensemble du Marché de l’Art, toutes périodes de créations confondues. En entrant dans le XXIème siècle, l’Art Contemporain est ainsi devenu le premier moteur de croissance du Marché de l’Art global.
Art contemporain 2000-2020: les chiffres à retenir
- 6 fois plus d’artistes et 6 fois plus de lots.
- Le produit des ventes a progressé de +2.100%.
- Le record mondial d’adjudication est établi à 110m$ pour un Basquiat (2017).
- 15% du Marché repose sur l’Art Contemporain, contre 3% il y a 20 ans.
- La Chine et les Etats-Unis génèrent 68% du volume d’affaires mondial.
- 22,7Mrd$ d’oeuvres ont été échangés depuis 2000.
- Plus de 60% du Marché repose sur la peinture.
Evolution des ventes d’Art Contemporain dans le monde: CA et lots vendus

Il se vend 6 fois plus d’oeuvres contemporaines qu’il y a 20 ans.
Le premier milliard en 2007
Pour la première fois, le secteur contemporain dépasse le milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel et atteint les 15% du Marché de l’Art mondial qu’il tient encore aujourd’hui. L’un des premiers leviers de la croissance est l’arrivée massive d’acheteurs chinois. Ceux-ci vont transformer en profondeur le Marché. Avec l’explosion de l’économie chinoise, de riches entrepreneurs se prennent au jeu de la collection, tandis que d’autres achètent des oeuvres pour diversifier leurs placements. Le business de l’art bat rapidement son plein en Chine avec l’émergence de fonds d’investissements spécialisés. Sur le modèle boursier, il est possible d’acheter des “parts” d’oeuvres dans l’optique de faire d’importantes plus-values, rapides si possible. Des afflux massifs de capitaux se dirigent d’abord sur les artistes chinois, faisant considérablement grimper leurs prix si bien que, en 2011-2012, la Chine vend deux fois plus d’oeuvres à plus de 100.000$ que dans toute l’Europe.
L’un des premiers leviers de la croissance est l’arrivée massive d’acheteurs chinois.
Au fil des années, certains acheteurs chinois deviennent de redoutables collectionneurs, comme Jack Ma, fondateur du géant de l’e-commerce Alibaba, Adrian Cheng ou Lin Han, qui collectionnent aussi des artistes internationaux. Certains d’entre eux ont créé des musées privés pour accueillir des collections devenues considérables, à l’image de Budi Tek avec son Yuz Museum à Shanghai.
L’embellie n’est pas que chinoise. Elle s’affirme comme une tendance générale de la globalisation en cours du Marché de l’Art. Les prix explosent aussi bien pour les artistes indiens de premier plan (Anish KAPOOR, Subodh GUPTA), pour les artistes du Moyen-Orient (Christie’s donne du marteau à Dubaï depuis 2006), que pour les Occidentaux. A New York et à Londres, les records extraordinaires s’enchaînent: l’oeuvre Green car crash de WARHOL part pour 71,5m$, deux fois l’estimation haute de Christie’s; Damien Hirst dépasse les 19m$ avec Lullaby Spring, une oeuvre estimée entre 6 et 8m$; Peter Doig devient le deuxième peintre le plus coté derrière Jean-Michel Basquiat avec plus de 11m$ obtenus pour White Canoe, dont Sotheby’s attendait au mieux 2m$ selon l’estimation; Koons, enfin, affirme son statut d’artiste vivant le plus cher après la vente, pour 23,5m$, de sa sculpture Hanging Heart (Magenta/gold).
Au terme de cette année 2007, certains pensent que le Marché de l’Art contemporain a atteint son point culminant. Il n’en n’est rien. Jeff Koons va battre son propre record à sept reprises dans les années suivantes.

Ren Zhong Nine dragons and sea, 2018 Encre sur soie 138,5 x 357 cm © Ren Zhong, Courtesy Wang Wen
2008, une année charnière
Avant son premier pic de croissance en 2008, le produit de ventes de l’Art Contemporain progresse de +1.640% (2000-2008), puis il s’affaisse en réaction à la crise américaine des subprimes, dont les répercussions sont mondiales. De la croissance à la contraction, l’année se joue en deux temps: les prix de l’art se maintiennent jusqu’aux ventes d’été, puis le Marché plie en septembre, après une vente consacrée à Damien Hirst chez Sotheby’s.
La crise financière impacte fortement mais brièvement le Marché de l’Art.
L’euphorie se poursuit au cours du premier semestre, et ce malgré la dégradation de l’économie mondiale due à la crise des subprimes. Jusqu’à mi-septembre, l’art campe sur sa position de valeur refuge, avec d’excellents résultats à la clef. Christie’s et Sotheby’s enregistrent de nouveaux records, aussi bien pour les grands modernes, que pour les artistes d’après-guerre et contemporains. Christie’s vend un Bassin aux Nymphéas de Claude Monet pour 71,8m$; une toile de Mark Rothko pour 50m$ (contre 11 millions en 1999, No. 15, 1952); une autre de Lucian Freud pour 33m$ (Benefits Supervisor Sleeping, 1995); une sculpture de Koons au seuil des 26m$ (Balloon Flower (Magenta), 1995/2000).
Sotheby’s fait encore mieux, cédant un triptyque majeur de Francis Bacon pour plus de 86m$ le 14 mai. L’acheteur est l’oligarque russe Roman Abramovitch, nouveau propriétaire du Benefits Supervisor Sleeping de Freud acheté la veille. La société américaine renouvelle aussi les records des contemporains Richard Prince (Overseas Nurse, 8,4m$), Antony Gormley (Angel of the North, 4,5m$), Anish Kapoor (Untitled, 3,8m$), Takashi Murakami. Après l’été, elle reçoit 21.000 visiteurs lors de l’exposition “Beautiful inside my Head forever” de Damien Hirst. Le Marché ne vacille qu’après cette vente record.
Murakami, un Japonais à New York
L’ascension fulgurante de Takashi MURAKAMI est emblématique des transformations rapides du Marché de l’Art contemporain. Quasi absent des radars en 2000, il rejoint déjà le top 10 mondial en 2008 (produit de ventes annuel). Signe précurseur de son succès, le prix de ses sculptures de Mr Dob se trouve multiplié par 10 entre la fin des années 90 et le début des années 2000. Mais le marché de Murakami bascule véritablement dans les plus hautes sphères avec la vente de My Lonesome cowboy #l-4647578 (Sotheby’s). A la fois trash et kawaii, cette sculpture d’un grand éjaculateur, inspiré des mangas et des Otaku, ouvre à Murakami les portes du Marché américain en s’envolant pour 13,5m$, 10 fois son estimation. Présent dans la salle pour assister à son propre record le 14 mai 2008, l’artiste en profite pour acheter une importante sculpture de son ami et compatriote Yoshitomo NARA , Light my Fire (2001), pour 1,1m$. Avec la vente de My Lonesome cowboy et l’achat du Nara, Murakami vient de faire entrer l’Art Contemporain japonais dans la bataille du capitalisme, aux côtés de l’américain Jeff Koons et du britannique Damien Hirst, tous deux rompus aux codes de la communication et du Marché.
Hirst & Sotheby’s, un avant et un après
Mi-septembre, l’étendard des Young British Artists (YBA) écrit un nouveau chapitre du Marché de l’Art en vendant directement ses œuvres chez Sotheby’s, passant outre le circuit habituel des galeries. Plus de 200 oeuvres sorties de l’atelier de Damien HIRST sont proposées aux enchères. C’est le jackpot: seulement 1,5% d’invendus, 45 coups de marteau millionnaires, dont des résultats exceptionnels pour des œuvres en formaldéhyde tout juste sorties de l’atelier: 18,5m$ pour The Golden Calf (2008), 17,1m$ pour The Kingdom (2008), 5,3m$ pour Here Today, Gone Tomorrow (2008), 4,7m$ pour The Black Sheep with the Golden Horn (2008)… Cette série d’animaux (mouton, poissons, requin, veau) plongés dans des aquariums de formol est un travail initié par Hirst en 1992 et financé à l’époque par Charles Saatchi. D’autres oeuvres emblématiques partent pour plusieurs millions, dont ses fameux cabinets de pilules. Cet événement fait la fortune de Hirst et renforce encore la renommée de celui qui est le premier artiste à prendre un rôle si déterminant dans la commercialisation de ses oeuvres.
La vacation fut un succès malgré un contexte économique alarmant: le coup d’éclat de Damien Hirst coïncide en effet avec la faillite de la banque Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Le Marché se contracte ensuite fortement: faute de clients, Sotheby’s ravale cinq oeuvres importantes des YBA le 11 novembre. Elle parvient à en vendre deux, mais sous les estimations basses. Entre septembre et décembre 2008, le taux d’invendus de l’artiste explose, passant de 11% à 55%, et son indice de prix s’effondre (-65% entre 2008 et 2010). Il n’est évidemment pas le seul artiste à pâtir des répercussions de cette crise.
L’Art Contemporain perd un tiers de son résultat…
La crise financière liée aux subprimes impacte fortement mais brièvement le Marché de l’Art. Dans les mois suivant la vente “Beautiful inside my Head forever”, 65% des œuvres contemporaines sont adjugées sous leurs estimations basses (contre la moitié les années précédentes). Après des marges de progression phénoménales, le climat économique est bouleversé, les marchés financiers plongent, les banques cessent leurs crédits pour l’achat d’oeuvres, une vague de licenciements touche le monde de l’art… Dans ce contexte, le volume d’affaires des maisons de ventes chute, inexorablement. L’Art Contemporain perd deux tiers de son résultat en 2009 (588.000$ contre 1,6m$ en 2008). Mais cette baisse est aussi violente que brève, et les indicateurs repartent vite à la hausse. Fin 2010, l’Art Contemporain pèse à nouveau son milliard (1,1Mrd$), puis 1,5Mrd$ en 2011 (contre 1,59Mrd$ en 2008). L’opulence revient avec la confiance, et le Marché repart vers son deuxième pic, celui de 2014.
Damien Hirst n’a jamais retrouvé l’euphorie de “Beautiful inside my Head forever” mais son Marché s’est réajusté depuis. Les oeuvres importantes passent le million (notamment les Spot paintings et les Pill cabinets) à un rythme moins soutenu. L’artiste a par exemple remporté cinq enchères millionnaires entre janvier 2019 et juillet 2020, contre 65 au cours de l’année 2008. Mais à l’échelle des 20 dernières années, il s’est imposé comme le troisième artiste le plus performant (695m$ d’oeuvres vendues), derrière Basquiat et Koons.
Nouveau pic en 2014 et ancrage de la Chine
Une activité sans précédent agite le Marché en 2014: plus de 100.000 oeuvres contemporaines affluent aux enchères, du jamais vu. 64.000 d’entre elles sont absorbées (un record), et le produit de ventes gagne un milliard en deux ans, pour atteindre 2,4Mrd$. Un sommet en lien avec la santé générale du Marché de l’Art, dont les recettes annuelles s’élèvent à 16,4Mrd$, toutes périodes de création incluses.
Hong Kong est rapidement devenue incontournable.
Entre temps, la Chine a pris une part beaucoup plus active. Portée par une croissance extrêmement rapide, elle devient un nouveau centre névralgique face aux Etats-Unis (qu’elle surpasse notamment en 2010). L’eldorado chinois attire toujours plus les investisseurs internationaux, dont la première société de ventes mondiale, Christie’s, qui prend le pari d’opérer ses ventes à Shanghai. Annoncée comme un événement aussi important que son ouverture à New York en 1977, la première vente de Christie’s en Chine continentale a stratégiquement lieu au moment où Shanghai facilite les opérations d’entrées et de sorties temporaires des oeuvres sur son territoire (fin septembre 2013), grâce à une nouvelle politique de libre-échange facilitant l’import et l’export d’œuvres d’art (SHFTZ, Shanghai Free Trade Zone). Sotheby’s fait pour sa part une courte tentative pour développer des ventes à Pékin (entre 2013 et 2015). Mais c’est à Hong Kong, où les œuvres peuvent entrer librement, que bat le coeur du Marché asiatique.
Ventes d’Art Contemporain à Hong Kong

Sotheby’s domine le Marché hongkongais, avec 50% du chiffre d’affaires.
Place de marché mineure avant 2000, Hong Kong est rapidement devenue incontournable. La péninsule pèse 10% du Marché de l’Art contemporain en 2014, un chiffre toujours d’actualité. L’activité y est particulièrement intense cette année-là chez Sotheby’s, avec des niveaux de prix exceptionnels pour deux stars du Marché: Zhang Xiaogang et Fang Lijun. Le premier, dont les oeuvres se négociaient autour de 5.000$ en 2000, est auréolé d’un nouveau record à hauteur de 12,1m$ pour Bloodline: Big Family No.3 (1995), une toile payée 6m$ en 2008, année déjà faste pour les artistes chinois. Le prix de l’oeuvre a donc doublé en six ans. Le nouveau record de FANG Lijun est quant à lui établi à 7,6m$, au double de l’estimation moyenne, avec Series 2 No. 4 (1992).
Les chiffres d’affaires hongkongais de Christie’s et Sotheby’s s’envolent, grâce à la flambée des artistes chinois dans un premier temps, puis avec le succès que remportent enfin de grands artistes occidentaux. En 2011, les deux sociétés rivales vendent pour 236m$ d’oeuvres contemporaines à Hong Kong, contre 558.000$ en 2000. Leur résultat cumulé a explosé de 42.000% en une dizaine d’années. Phillips finit par suivre le mouvement à partir de 2016.
L’activité des trois sociétés représente désormais 86% du résultat hongkongais (2019), avec une nette avance de Sotheby’s qui tient à elle seule la moitié du Marché de l’Art contemporain de la péninsule (164,3m$ d’oeuvres contemporaines vendues en 2019). Forte de ses 10% de recettes mondiales, Hong Kong est aujourd’hui la troisième place de Marché pour la vente d’Art Contemporain, derrière New York et Londres.
Les piliers du Marché Plus de 30.000 artistes passent aux enchères mais le Marché repose sur 100.

Les grands noms de l’Art Contemporain attirent les foules dans les musées et légitiment l’aura d’une collection, qu’elle soit publique ou privée. Avec des oeuvres valorisées à des dizaines de millions de dollars, les signatures tutélaires représentent un enjeu colossal pour le Marché. Les trois-quart du résultat mondial repose sur 100 artistes seulement, parmi plus de 30.000 soumis à la loi du plus offrant. Autrement dit, la santé économique du Marché de l’Art repose sur 0,3% des artistes vendus aux enchères.
Ensemble, Basquiat et Koons pèsent 12% du résultat mondial.
Le quatuor de tête – Basquiat, Koons, Hirst, Wool – cumule 4,4Mrd$ en 20 ans, soit près de 20% du chiffre d’affaires mondial. Basquiat était déjà le plus recherché et le plus coté en 2000. Ce qui a changé, ce sont les niveaux de prix atteints.
Les poids lourds du Marché

On retrouve les mêmes artistes qu’il y a 20 ans, mais plus aux mêmes prix.
Le mythe Basquiat
Le début de l’escalade des prix remonte à 1998, année de la première œuvre contemporaine millionnaire aux enchères. Moins de 20 ans plus tard, le seuil des 110m$ est dépassé, un niveau de prix inimaginable quelques mois plus tôt pour une œuvre créée dans les années 80. Les deux œuvres en question sont signées de Jean-Michel BASQUIAT, artiste convoité à des niveaux de prix que l’on réservait autrefois à Claude Monet ou à Pablo Picasso.
Grapheur afro-américain issu du Bronx, héros critique d’une société malade du racisme, Basquiat est devenu un emblème du multiculturalisme. 30 ans après sa mort, il passionne toujours autant. Pour le Marché de l’Art contemporain, il est devenu ce que Picasso est au Marché de l’Art moderne. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. En 1988, ses amis et collectionneurs de la première heure, Lenore et Herbert Schorr, proposent de faire don d’une toile de leur défunt protégé au MoMA, qui refuse le cadeau. Manque de prestige pour des toiles cotées entre 10.000$ et 30.000$ à l’époque ou problème de stockage? Le musée considère l’artiste comme un “détail” et ne sent pas le vent tourner. Une certaine agitation est pourtant déjà évidente en salle, car l’une de ses œuvres – Red rabbit (1982) – obtient 100.000$ chez Sotheby’s en novembre 1988. Le premier million sera atteint 10 ans plus tard, le palier des 10 millions encore 10 ans après, celui des 100 millions 30 ans après la disparition de l’artiste.
La valeur d’une oeuvre dépend avant tout de la santé financière de ceux qui souhaitent l’obtenir.
Avec la mondialisation et l’augmentation des grandes fortunes, le nombre d’acheteurs de Basquiat a fortement augmenté et la demande s’est diversifiée. Ses collectionneurs sont originaires de Chine, d’Inde, de Russie, du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud, ou encore du Japon également. Ses œuvres ont été achetées par le Français Bernard Arnault, l’Américain Eli Broad, le Grec Philip Niarchos, par des célébrités telles que Robert De Niro, Johnny Depp, Jay-Z, ou Leonardo DiCaprio. Mais c’est au riche homme d’affaires japonais Yusaku Maezawa que l’on doit les prix les plus impressionnants. Monsieur Maezawa fait sensation en achetant une grande toile de 1982 pour 57,3m$ en mai 2016 chez Christie’s. Un an plus tard, il paye 110,5m$ pour une autre œuvre de 1982, contre un prix de départ fixé à 60m$ par Sotheby’s… 50 millions de surenchère: à ce niveau, on ne parle plus de cote mais de la puissance d’un homme face à un désir à assouvir. La valeur d’une oeuvre dépend, avant tout, de la santé financière de ceux qui souhaitent l’obtenir.
Années de création les plus valorisées

Les années 80 mènent le Marché de l’Art avec Basquiat en tête.
En dépassant le seuil symbolique des 100m$, Basquiat a entériné son statut de mythe du Marché, au même titre que l’emblématique Pablo Picasso avant lui. Le Marché de ces deux immenses artistes est pourtant structuré de façon très différente: Basquiat étant décédé prématurément à l’âge de 27 ans, il a produit un peu moins de 3.000 oeuvres entre 1980 et 1988, contre des dizaines de milliers pour Picasso. Le principe de rareté a d’autant plus joué dans la progression des prix de Basquiat que les puristes recherchent une période bien spécifique, celle de 1981-1982, ce qui restreint encore le champ.
Des oeuvres majeures de Basquiat reviennent régulièrement sur le Marché en révisant leur prix de quelques millions de dollars. Les cas de reventes illustrent tantôt la rapidité, tantôt la puissance des plus-values. La toile Orange Sports Figure (1982) est par exemple passée à trois reprises en salles de ventes: payée 66.000$ au début des années 90, elle se revend pour 6,4m$ en 2012, puis 8,8m$ en 2015 chez Sotheby’s. Mais l’exemple le plus impressionnant nous ramène au record de 110,5m$ obtenu en 2017 chez Sotheby’s New York. La toile en question avait été achetée pour 19.000$ en 1984. Elle a été revendue 5.800 fois ce montant 33 ans plus tard (Untitled 1982).
Le mythe Basquiat s’est installé sur le Marché, comme celui de Picasso avant lui.
Basquiat domine littéralement le Marché. Dans les années les plus fastes, la vente de ses œuvres a représenté jusqu’à 15% des recettes mondiales de l’Art Contemporain. 15% à lui seul, face aux 25-30.000 artistes contemporains vendus dans l’année. Un seul nom lui dispute les meilleures adjudications contemporaines, son antithèse créative, Jeff Koons.
Koons et les objets d’un nouveau culte
La deuxième figure tutélaire du Marché vient aussi des Etats-Unis. Un temps courtier à Wall Street, Jeff KOONS rêve d’art et crée ses premières œuvres “labellisées” dans les années 80. Essayant de comprendre “pourquoi et comment des produits de consommation peuvent être glorifiés”, il prend pour sujets des appareils électroménagers, des jouets, objets de fête, des héros de la culture populaire dont Michael Jackson, Popeye et Hulk. Koons invente un kitsch de luxe, un art à la fois populaire et ostentatoire. Adulé par certains, détesté par d’autres, l’ambassadeur du néo-pop américain a été consacré il y a peu comme l’artiste vivant le plus cher de la planète. Derrière sa réussite à l’américaine, il a repoussé les modalités de création et de diffusion des œuvres, naviguant avec agilité entre les sphères de l’art, de l’industrie et du business.
Des créations aussi techniques que populaires
Ballons de baudruche et cœurs géants, chien de 15 tonnes recouvert de dizaines de milliers de plantes, les œuvres de Koons n’ont rien de “facile” dans leur réalisation. Pensées par lui, elles sont étudiées par des scientifiques, puis réalisées par la centaine d’assistants que compte son atelier.
Pour Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne de Paris, “il faut essayer de comprendre le projet de Koons qui, à partir d’objets totalement ordinaires et dérisoires, retrouve ce pouvoir emblématique et symbolique du savoir-faire, du métier et de la technique ». Savoir-faire, métier, technique: les œuvres de Koons sont toujours ambitieuses de ce point de vue. En quête d’excellence, l’artiste est obsédé par la perfection, maniaque sur les détails. Les pièces qu’il fait réaliser mettent à contribution les meilleurs artisans et techniciens. Parmi les premières créations remarquables, la série Equilibrium (1985) fut un véritable casse-tête technique. Pour maintenir des ballons de basket en suspension dans des réservoirs d’eau – un équilibre délicat défiant les lois physiques – Koons a consulté le Prix Nobel de physique américain, Richard P. Feynman.
Il a repoussé les modalités de création et de diffusion des œuvres, naviguant avec agilité entre les sphères de l’art, de l’industrie et du business.
La création de chaque sculpture constitue un défi requérant plusieurs années de travail, d’où une production particulièrement restreinte d’environ 200 pièces. Pour les œuvres de sa série Celebration (Balloon Dog, Hanging Heart,Tulips…) commencée au milieu des années 90, Koons repousse les limites de l’élaboration sculpturale. Derrière l’apparente simplicité d’un agrégat géant de matière colorée, la sculpture Play-Doh (1994-2014) a par exemple nécessité 20 ans de travail avec divers scientifiques, métallurgistes et modélistes. Pour cette œuvre de trois mètres sur quatre, dont le titre reprend le nom d’une fameuse marque de pâte à modeler, 27 sections en aluminium peint sont assemblées, sans autre moyen de fixation que leur parfaite imbrication et l’aide de la gravité. Koons a ici poussé le raffinement jusqu’à recréer minutieusement les couleurs adoptées par la marque Play-Doh en 1994, et a fait peindre chaque pièce dans son intégralité, y compris sur leurs faces invisibles. Il en a créé cinq versions, chacune unique dans sa configuration colorée.
L’illusion est parfaite. Le compactage de couleurs semble aléatoire, réalisé à la va-vite. Play-Doh est pourtant une pièce extrêmement élaborée, aux finitions impeccables, étudiée jusque dans les moindres “craquelures” de la matière. En mai 2018, Christie’s vendait l’une des cinq versions à New York. Prix final: 22,8m$.
Il en va de même pour l’une de ses plus célèbres sculptures: le Balloon Dog géant – trois mètres pour une tonne – en acier inoxydable chromé “avec revêtement de couleur transparent ». Six années furent nécessaire pour voir aboutir cette œuvre déclinée en cinq couleurs (bleu, magenta, jaune, orange et rouge). Aucun détail n’a été laissé de côté dans le rendu de ce Balloon Dog (1994-2000) reproduisant le moindre plissement du ballon de baudruche. Le 12 novembre 2013, le Balloon Dog, version orange, atteignait 58,4m$ lors d’une vente aux enchères de Christie’s à New York (Balloon Dog (orange)).
Répartition des 100 meilleures adjudications
Artiste | Lots | Record |
---|---|---|
Jean-Michel BASQUIAT | 33 | 110,5m$ |
Jeff KOONS | 17 | 91,1m$ |
Peter DOIG | 14 | 28,8m$ |
Christopher WOOL | 11 | 29,9m$ |
Martin KIPPENBERGER | 4 | 22,6m$ |
ZENG Fanzhi | 3 | 23,3m$ |
Damien HIRST | 3 | 19,2m$ |
Yoshitomo NARA | 2 | 24,9m$ |
CHEN Yifei | 2 | 22,6m$ |
Kerry James MARSHALL | 2 | 21,1m$ |
Maurizio CATTELAN | 1 | 17,2m$ |
Mark GROTJAHN | 1 | 16,8m$ |
Takashi MURAKAMI | 1 | 15,2m$ |
KAWS | 1 | 14,8m$ |
Jenny SAVILLE | 1 | 12,5m$ |
BANKSY | 1 | 12,2m$ |
ZHANG Xiaogang | 1 | 12,1m$ |
John CURRIN | 1 | 12m$ |
Mark BRADFORD | 1 | 12m$ |
© artprice.com |
Basquiat, Koons, Doig et Wool représentent les ¾ de ce Top 100 adjudications.
L’artiste vivant le plus cher au monde.
La notoriété et les prix de Jeff Koons n’ont cessé de croître sur les 20 dernières années. Tout commence en mai 2000 avec la vente d’une œuvre en porcelaine, Woman in Tub (1988, exemplaire 3/3), pour 1,7m$. La même œuvre gagne un million l’année suivante (2,9m$, exemplaire 1/3, Christie’s, mai 2001). En juin 2008, Koons passe un nouveau palier avec Balloon Flower (Magenta) (1995/2000) cédée au seuil des 26m$. Il devient à l’époque l’artiste vivant le plus cher.
Ce record précède de quelques mois une rétrospective marquante de Koons au Château de Versailles. L’exposition divise. Les membres du Collectif de défense du patrimoine de Versailles vont jusqu’à demander l’interdiction de l’événement et des dizaines de personnes manifestent devant les portes du palais. Koons est un artiste controversé, notamment en France, où les contempteurs de l’Art Contemporain sont nombreux. Mais au-delà des réactions suscitées par ses œuvres elles-mêmes, il agace par ce qu’il incarne: le capitalisme triomphant du Marché de l’Art. Onze ans après Versailles, Koons est pourtant au sommet de sa réussite financière. Il a regagné son statut d’artiste vivant le plus cher du monde en 2019, grâce à une sculpture vendue pour 91m$. L’objet du record – Rabbit (1986) – est considéré comme la plus iconique de ses œuvres et, par extension, comme l’une des œuvres les plus iconiques de tout l’Art Contemporain. Le terme “icône” est ici le maître mot. Celui que Christie’s affichait en lettres de néons sur la façade de ses locaux au Rockefeller Center avant la vente (ICON).
L’ambassadeur du néo-pop américain a été consacré il y a peu comme l’artiste vivant le plus cher de la planète.
Convaincue que sa vente marquerait un moment important dans l’histoire du Marché de l’Art, Christie’s avait investi des moyens colossaux pour assurer la promotion du lapin chromé, allant jusqu’à lui aménager une salle d’exposition sous la rotonde du bâtiment. Sous son statut d’icône contemporaine, Rabbit évoque à la fois le logo de Playboy, Bugs Bunny et les goûters d’anniversaire. Koons remanie ici un art du sampling qui fait école depuis les années 60 et le Pop Art, mais le frisson esthétique passe ici par la perfection formelle. La surface rutilante de l’oeuvre ne supporte pas la moindre trace, pas le moindre accident.
Prônant une culture visuelle du plaisir, populaire dans son imagerie, érudite dans sa fabrication, Koons a ouvert une voie dans laquelle de nouveaux artistes ne cessent de puiser, et de nouveaux collectionneurs de se reconnaître. Avec 938m$ d’oeuvres vendues aux enchères en 20 ans, il est l’artiste contemporain le plus performant du monde derrière Basquiat. Koons est pourtant loin de la rage expressive de Basquiat. Aux antipodes l’un de l’autre, ces deux artistes de la même génération incarnent les tendances divergentes d’une même époque.

La course aux records de Jeff Koons
- 1,7m$ en 2000 pour une femme au bain sans tête (Woman in Tub (1988)).
- 23,5m$ en 2007 pour un cœur rouge de 3 mètres (Hanging Heart (Magenta/gold) (1994-2006)).
- 25,8m$ en 2008 pour une fleur géante (Balloon Flower (Magenta) (1995/2000)).
- 33,7m$ en 2012 pour un bouquet de tulipes de 5 mètres (Tulips (1995-2004)).
- 58,4m$ en 2013 pour un chien-ballon (Balloon Dog (Orange) (1994-2000)).
- 91m$ en 2019 pour un lapin d’un mètre de haut en acier inoxydable (Rabbit (1986)).
Basquiat / Koons aux enchères: les chiffres à retenir
- 1998: premier million aux enchères pour un Basquiat
- 110,5m$: prix record pour une œuvre contemporaine (2017), encore de Basquiat.
- 3.000 oeuvres sont connues de Basquiat.
- 91m$ pour une sculpture de Jeff Koons (2019), artiste vivant le plus coté du monde.
- 12%: le poids économique de Basquiat et Koons sur le Marché mondial.
- 2,175Mrd$ d’oeuvres de Basquiat vendues en 20 ans vs 938m$ de Koons.
La carrière de Christopher Wool
« Qu’on le veuille ou non, Christopher Wool (…) est probablement le peintre américain le plus important de sa génération ». Cette déclaration est signée Peter Schjeldahl pour The New Yorker à propos de la rétrospective de Wool au Guggenheim en 2013 (Writing on the Wall: A Christopher Wool Retrospective, 28 octobre 2013). Déjà incontournable (il a participé à la Biennale de Venise en 2011) et très coté, Wool va encore progresser après cette exposition phare.
Contemporain de Jean-Michel Basquiat et de Cindy Sherman sur la scène artistique new-yorkaise des années 80, WOOL cherche à inventer une nouvelle peinture. Il la trouve en détournant le langage. Ses peintures de mots (série des “word paintings” commencée en 1987) et de motifs floraux partagent avec Jeff Koons l’attrait pour la banalité du quotidien. Il y introduit des techniques de graffiti (pochoirs ou peinture aérosol), puis des sérigraphies.
Qu’on le veuille ou non, Christopher Wool […] est probablement le peintre américain le plus important de sa génération. (Peter Schjeldahl)
En 1984 et 1986, l’artiste reçoit ses premières expositions personnelles à la Cable Gallery de New York. Une première présentation institutionnelle de son travail a lieu au San Francisco Museum of Modern Art en 1989, année de sa nomination en tant que membre de l’académie américaine de Rome. Reconnu dans le milieu de l’art, le prix de ses toiles ne décolle pourtant pas. Elles cotent alors entre 5.000 et 20.000$. Aujourd’hui, certaines sérigraphies s’envolent bien plus haut…
La première adjudication millionnaire de Wool (Rundogrundogrun,1,2m$, Christie’s, New York) arrive à un moment clef de sa carrière: en novembre 2005, soit quelques mois avant l’ouverture de sa première exposition solo chez Larry Gagosian (Beverly Hills, mars 2006). C’est un tournant pour l’artiste, qui va dès lors attirer les plus grands compétiteurs du Marché. L’avant et l’après Gagosian se traduit par une prise de valeur immédiate, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de dollars en cas de revente:
- Run Dog eat Dog est vendue pour 273.500$ en 2002, puis plus d’un million en 2006.
- Une version noire de (Fool) est vendue pour 420.500$ en 1999. En 2010, une version bleue de même dimension dépasse les 5m$.
Sur le segment haut de gamme de l’Art Contemporain, la force de frappe du Marché repose certes sur un petit nombre d’artistes au regard de la multitude, elle tient aussi à un petit nombre d’acteurs influents.
Indice des prix de Christopher Wool

La force de frappe du Marché haut de gamme tient à un petit nombre d’acteurs influents.
Christopher Wool ne cesse ensuite de confirmer sa position dans le palmarès de l’Art Contemporain. En 2010, ses performances tutoyaient déjà celles de Basquiat, Chen Yifei, Richard Prince et Jeff Koons. Il est aujourd’hui confirmé avec un record établi au seuil des 30m$ (Untitled (Riot) #l-9216974, 1990, Sotheby’s, 12 mai 2015) et affiche l’une des plus belles progressions de prix de notre époque: +2.000% de hausse indicielle en 20 ans. Avec près de 624m$ d’oeuvres vendues, il se classe 4ème au classement mondial 2000-2020, derrière Basquiat, Koons et Hirst.
Evolution de quelques piliers du Marché (CA 2000 vs 2019)
- Keith Haring: de 1,5m$ à 34,5m$.
- Jeff Koons: de 5,2m$ à 96,3m$.
- Basquiat: de 10,5m$ à 108,7m$.
- George Condo: de 264.000$ à 29,8m$.
- Richard Prince: de 1m$ à 25m$.
- Albert Oehlen: de 55.500$ à 25,9m$.
- Rudolf Stingel: de 12.000$ à 21,4m$.
- Martin Kippenberger: de 586.000$ à 11,4m$.
- Mark Tansey: de 100.000$ à 13,4m$.
La peinture d’abord La peinture pèse 65% d’un Marché qu’elle tire vers le haut.

Les œuvres les plus coûteuses de notre époque révèlent le triomphe du Pop Art et de ses héritiers, de l’art abstrait américain historique et actuel, de “Street artists” emblématiques, de peintres chinois et japonais arrivés sur le Marché avec le nouveau millénaire. Consacrées au plus haut niveau de prix, les oeuvres sont généralement puissantes par leurs dimensions, leurs couleurs et leur énergie. Répondant à ces critères, les figures tutélaires de la peinture contemporaine ne sont pas si nombreuses: elles sont huit dont les oeuvres passent les 20 millions (Basquiat, Wool, Zeng Fanzhi, Doig, Nara, Chen Yifei, Kippenberger, Marshall) et 18 à plus de 10m$. Les adjudications millionnaires sont aussi essentielles qu’elles sont rares: elles concernent moins de 1% des résultats, lorsque les trois-quarts des oeuvres sur toiles s’échangent pour moins de 5.000$.
En 20 ans, la peinture s’est en effet affirmée comme la véritable locomotive du Marché. Non seulement du Marché contemporain mais aussi du Marché de l’Art global. La courbe de prix de la peinture contemporaine indique la plus forte des hausses, toutes catégories et toutes époques confondues. Avec 1,43Mrd$ de toiles vendues en 2019 (un record), la peinture se taille la part du lion. Elle représente 65% du produit des ventes d’oeuvres contemporaines contre 52% en 2000.
Une croissance portée par la peinture contemporaine

La peinture contemporaine progresse plus vite que sur n’importe quel autre segment du Marché.
Sculpture: organisation et subversion
Le Marché de la sculpture contemporaine a révélé des oeuvres percutantes, souvent polémiques. Les animaux découpés de Damien HIRST, les installations coup de poing de Maurizio CATTELAN (reprenant les figures de Hitler ou du pape Jean-Paul II), la grenouille crucifiée de Martin KIPPENBERGER, comptent parmi les plus subversives, les plus mémorables et les plus cotées. D’autres plasticiens, dont Koons et Kapoor, sont plutôt connus pour leurs prouesses techniques, avec des oeuvres nécessitant d’importants moyens de recherche et de production.
Le Marché de la sculpture s’est aussi profondément développé avec des éditions déclinées en une multitude de dimensions et de matériaux. On pense notamment aux oeuvres de MURAKAMI qui a suivi la voie ouverte par Andy Warhol en créant sa propre factory – la Kaikai Kiki Co. – pour produire ses oeuvres. Cette société fait travailler une centaine de personnes sur des œuvres uniques, en séries limitées, des produits dérivés, des films d’animation ou des pochettes de disques, tout en soutenant la nouvelle génération nippone.
Dans la culture japonaise, il n’y a pas de distinction entre culture haute (High) et basse (Low). Il en va ainsi avec les productions issues de l’atelier de Murakami, quelles qu’elles soient. C’est un tout, dont le consumérisme de notre époque est partie intégrante, comme son mentor Warhol l’avait saisi, comme Koons puis Kaws l’ont appliqué, chacun à leur façon
Deuxième catégorie la plus importante, la sculpture représente 16% du volume d’affaires mondial pour 10% des transactions. En 20 ans, son volume d’affaires progresse de +1.485%, grâce à la croissance de prix des grands favoris américains Jeff Koons et Kaws, des Britanniques Hirst et Gormley, des Allemands Martin Kippenberger et Thomas Schütte, des Japonais Takashi Murakami et Yoshitomo Nara ou encore de l’Italien Maurizio Cattelan.
Sculpture: quelques résultats marquants.
- En 2019, Jeff KOONS amène la sculpture au seuil des 100m$ (91m$, Rabbit).
- En 2018, une sculpture historique de Robert GOBER part pour 7,3m$ (Untitled (1993-1994)). Une rétrospective au MoMA en 2014 aura propulsé sa cote.
- En 2017, l’artiste autrichien Franz WEST grimpe à 871.000$ (Untitled (2011)), peu avant une exposition dans l’antenne suisse du galeriste Gagosian.
- En 2016, Maurizio CATTELAN signe le record annuel de la sculpture contemporaine avec 17,2m$ pour Him (Lui), représentant Hitler à l’échelle d’un enfant, agenouillé en prière. L’artiste fait un bond de près de 10m$ dans l’échelle de ses records.
- En 2008, Anish KAPOOR remporte 3,8m$ à Londres pour une sculpture en albâtre (Untitled (2003), Sotheby’s, juillet 2008).
- En 2007, le record de Damien HIRST est établi à 17,1m$ pour Lullaby Spring (2002), chez Sotheby’s.
Répartition du produit de ventes par catégorie

Peinture et sculpture représentent 80% du produit de ventes.
Photographie, le grand tournant
Le Marché de la photographie contemporaine opère un tournant en 2007. Cette année-là, les records s’enchaînent et le chiffre d’affaires annuel explose, atteignant 102m$ contre 17m$ en 2000. La création photographique contemporaine devient alors une affaire sérieuse: elle tient la moitié du chiffre d’affaires global de ce médium, toutes époques confondues. Ce bouleversement est en partie structurel, les clichés historiques étant de plus en plus rares. Mais il est aussi culturel: le médium colle parfaitement à l’époque, les oeuvres sont faciles à transporter et à stocker (donc à accumuler) et majoritairement accessibles avec un petit budget (50% des photographies sont vendues sous les 2.000$). D’autres acheteurs sont séduits par la monumentalité de la photographie contemporaine, rappelant le format du tableau. La photographie a donc fait de plus en plus d’émules en 20 ans, et le nombre de clichés vendus a quasiment quadruplé, passant de 1.300 lots à près de 5.000 en 2019, une année record.
Suivant l’explosion générale des prix de l’art, deux photographies de Cindy SHERMAN partent pour plus d’un million de dollars en 2007. En février de la même année, le diptyque sur-dimensionné d’Andreas GURSKY, 99 cent II (2001), atteint 3,3m$ à Londres. Ce paysage d’un nouveau genre sur le vertige de notre société de consommation plante un record pour une photographie contemporaine, mais seulement pour quelques mois. Richard PRINCE bat en effet tous les pronostics en novembre avec un autre hymne américain, une emblématique photo de Cowboy (2001-2002) de deux mètres et demi, payée 3,4m$.
Jeff Koons est à la fois l’auteur et le sujet de la photographie la plus coûteuse.
Sherman, Gursky, Prince: le premier cercle des photographes millionnaires s’élargit peu par la suite. Il intègre les influents Jeff WALL (en 2008), le duo GILBERT & GEORGE (en 2008), Thomas STRUTH (en 2015), mais aussi Jeff Koons (en 2013) et Ai Weiwei (en 2016), deux artistes qui, à l’image de Richard Prince, ne sont pas connus comme de véritables photographes au sens “classique” du terme. AI Weiwei dépasse le million avec trois images issues d’une performance: l’artiste lâche volontairement une urne de la dynastie Han qui se casse au sol (Dropping a Han Dynasty Urn). Ce geste iconoclaste pour “lâcher” le passé s’envole pour 1,08m$ contre une estimation haute de 300.000$ (Sotheby’s, Londres). Sa valeur a été multipliée par 10 en 10 ans, suivant la cote de popularité explosive de Ai Weiwei. Quant à Jeff Koons, il est à la fois l’auteur et le sujet de la photographie contemporaine la plus coûteuse, avec 9,4m$ remportés par The New Jeff Koons, un tirage unique passé par la collection Saatchi à Londres. Koons, vu par Koons à l’âge de sa première “révélation” artistique, confirme alors son statut “d’icône” via le Marché de la photographie.

Portrait d’Ai Weiwei à la Demeure du Chaos © thierry Ehrmann, Courtesy Musée l’Organe
Les mentalités et les habitudes ont considérablement changé pour cette “jeune” catégorie du Marché qui n’a commencé à gagner la confiance des collectionneurs que dans les années 90. Pour mémoire, la première foire exclusivement dédiée à la photographie (Paris Photo) remonte à 1997. A la même époque, on découvre les premiers formats monumentaux rapprochant la présence photographique de la puissance d’un tableau, comme chez Cindy Sherman qui atteint alors tout juste le seuil des 50.000$. Elle a depuis érigé la photographie au rang d’un grand art. Avec 143,2m$ d’oeuvres vendues en 20 ans, Sherman est la femme la plus performante du Marché devant toutes les grandes peintres. Elle est aussi 25ème au classement mondial, derrière 24 hommes.
Ventes de photographies

Les photographes gagnent un véritable poids économique grâce à leurs grands formats.
Un nouveau paysage
L’arrivée de nouveaux artistes est liée à l’élargissement géographique du Marché.

Au début des années 2000, l’industrie du Marché de l’Art est partie à la découverte de nouvelles scènes, de nouveaux artistes et de nouveaux clients, en Chine, Russie, Inde, Brésil, Moyen-Orient (alors les BRIC). Ce travail de défrichage a parfois engendré de fortes spéculations d’un pays à l’autre, puis le Marché a gagné en maturité sur ces nouvelles scènes. Après l’euphorie de découvertes menées par une forme de “zapping”, il procède d’une façon plus raisonnée et plus inclusive. L’expansion géographique des grandes maisons de ventes a notamment donné lieu à une diversification des catalogues proposés en Asie, et à des départements dédiés aux scènes étrangères à Londres et New York. En dépassant son auto-centrage occidental, le Marché de l’Art a permis de révéler des artistes encore inconnus il y a 20 ans.
Au début des années 2000, Artprice recensait moins de 500 sociétés (467) opérant des ventes d’Art Contemporain dans le monde. Elles sont 843 aujourd’hui. Le nombre d’acteurs alimentant le Marché a donc presque doublé en 20 ans. Durant cette période, les principales maisons de ventes américaines et britanniques – Christie’s, Sotheby’s, Phillips et Bonhams – ont cherché à étendre leurs activités aux nouveaux relais de croissance, de l’Asie au Moyen-Orient. Ces développements ont notamment permis de créer un Marché mondial extrêmement dynamique pour des artistes comme Basquiat, Condo et Kaws.
Les trois principales maisons de ventes anglo-saxonnes continuent de dominer le Marché de l’Art Contemporain à l’échelle planétaire: Sotheby’s (30% du chiffre d’affaires mondial sur 20 ans), Christie’s (28%) et Phillips (11%). Mais l’une des grandes différences avec le début des années 2000 est qu’elles sont suivies par sept sociétés de ventes chinoises, China Guardian et Poly International en tête.
La Chine est présente pour la première fois à la Biennale de Venise en 2005. Poly International est fondée la même année. A l’époque, les acheteurs chinois arrivent en masse sur le Marché et soutiennent très fortement leurs compatriotes aux enchères. Ils vont aussi diversifier leurs collections avec l’acquisition de grandes signatures occidentales. Rapidement, la Chine prend la 3ème place du Marché (23% du CA), qu’elle conserve pendant trois ans avant de prendre la première, entre 2010 et 2014. En 20 ans, la croissance du chiffre d’affaires chinois est phénoménale, multipliée par 65. Avec Hong Kong (10%), la Chine représente 33% du Marché (659m$ en 2019) contre 35% pour les Etats-Unis (695m$). Ensemble, les deux puissances – Chine et Etats-Unis – génèrent 68% du volume d’affaires mondial.
2000 vs 2019: performances par pays

Le CA américain a été multiplié par plus de 10, celui de la Chine par 659.
Croissance du CA des principaux pays depuis 2000.
- USA: +1.023%
- Chine (incluant Taïwan et Hong Kong): +64.170%
- Royaume-Uni: +2.870%
- France: +1.107%
- Allemagne: +1.300%
- Australie: +537%
- Italie: +488%
- Belgique: +3.400%
- Autriche: +2.540%
- Pays-Bas: 1.635%
- Japon: absent en 2000. 6ème en 2019 (22,9m$ annuel)
- Afrique du Sud: absent en 2000. 12ème en 2019 (près de 6m$ annuel)
Hong Kong
Hong Kong rayonne non seulement sur la Chine mais aussi sur l’Inde et toute l’Asie du sud-est, où sont concentrés bon nombre des nouveaux collectionneurs du XXIème siècle naissant.
La péninsule a attiré des galeries occidentales de premier plan, les grandes sociétés de ventes étrangères et, à partir de 2013, la célèbre foire Art Basel. Au fil du temps, le Marché s’est ouvert aux signatures charismatiques de l’art occidental, notamment grâce aux sociétés de ventes anglo-saxonnes, qui ont formé et conseillé les collectionneurs sur place. En 20 ans, plusieurs artistes occidentaux ont fini par s’imposer dans les grandes ventes hongkongaises. C’est d’ailleurs à Hong Kong que sont signés, en 2019, les nouveaux records des artistes américains Julie Mehretu (5,6m$, plus du double de l’estimation haute pour Black Ground (Deep Light (2006)) et Kaws (14,8m$ contre une estimation haute de 1m$ pour The Kaws Album (2005). Nouvelle force des grandes vacations hongkongaises, la mixité des signatures asiatiques et occidentales gagne aussi du terrain en Chine continentale.
Top des maisons de ventes (2000-2019)
Produit de ventes | Lots vendus | ||
---|---|---|---|
1 | Christie’s | 29,75% | 6,58% |
2 | Sotheby’s | 28,23% | 5,37% |
3 | Phillips | 11,10% | 4,26% |
4 | Poly | 5,51% | 1,98% |
5 | China Guardian | 3,31% | 1,40% |
6 | Beijing Council | 1,29% | 0,44% |
7 | Beijing Hanhai | 1,22% | 1,03% |
8 | Ravenel | 0,79% | 0,46% |
9 | RomBon | 0,90% | 1,07% |
10 | Xiling Yinshe | 0,61% | 0,42% |
11 | Bonhams | 0,60% | 1,82% |
12 | Artcurial | 0,59% | 1,91% |
13 | Seoul Auction | 0,55% | 0,47% |
14 | Sungari | 0,46% | 0,44% |
15 | Nanjing Classic | 0,42% | 0,69% |
16 | Shanghai Hosane | 0,37% | 0,25% |
17 | Yubao Jiahe | 0,32% | 0,09% |
18 | Hangzhou Jiashi | 0,31% | 0,06% |
19 | Beijing Huachen | 0,29% | 0,34% |
20 | Zhong Cheng | 0,29% | 0,30% |
21 | Shanghai DuoYunXuan | 0,27% | 0,44% |
22 | Borobudur | 0,25% | 0,33% |
23 | A & F Auction | 0,24% | 0,10% |
24 | Beyaz Art | 0,24% | 0,73% |
25 | Grisebach | 0,23% | 0,75% |
26 | Beijing Jiuge | 0,23% | 0,20% |
27 | Beijing Tranthy | 0,22% | 0,17% |
28 | Holly | 0,22% | 0,20% |
29 | Beijing ChengXuan | 0,21% | 0,22% |
30 | Bukowskis | 0,21% | 0,91% |
31 | Dorotheum | 0,21% | 0,88% |
32 | Mainichi | 0,20% | 2,12% |
33 | Ketterer | 0,20% | 0,39% |
34 | Cornette de Saint-Cyr | 0,19% | 0,83% |
35 | Meeting Art | 0,19% | 3,27% |
36 | Shanghai Tianheng | 0,18% | 0,13% |
37 | Rongbaozhai | 0,18% | 0,24% |
38 | Guangzhou Huangma | 0,17% | 0,37% |
39 | Lempertz | 0,17% | 0,56% |
40 | Van Ham | 0,17% | 1,04% |
41 | SBI Art | 0,16% | 0,74% |
42 | K-Auction | 0,16% | 0,28% |
43 | Canton Treasure | 0,16% | 0,31% |
44 | Farsetti | 0,15% | 0,78% |
45 | Heritage | 0,13% | 1,01% |
46 | 33 Auction | 0,13% | 0,27% |
47 | Stockholms Auktionsverk | 0,13% | 0,65% |
48 | Joe Jubilee Beijing | 0,12% | 0,03% |
49 | Menzies Art Brands | 0,12% | 0,22% |
50 | Tajan | 0,11% | 0,21% |
© artprice.com |
Sotheby’s, Christie’s et Phillips sont suivies par sept sociétés chinoises.
Shanghai
Autrefois eldorado des jeunes artistes chinois ouvrant leur atelier dans d’immenses friches, Shanghai est devenue une nouvelle destination du tourisme culturel. Le gouvernement a mis un point d’honneur à faire de la culture l’un des atouts de la bouillonnante mégapole, pôle financier de la Chine et désormais en tête de la capacité de consommation du continent. Dans un contexte propice au développement des activités artistiques, les musées privés ont ouvert les uns après les autres. Entre 2014 et 2019, le nombre de musées a allègrement doublé, passant d’une trentaine à plus de 70.
Un nouveau paysage du Marché s’est dessiné.
En 2019, l’Art Contemporain a bénéficié d’une actualité particulièrement dense, à commencer par une importante exposition de Yayoi Kusama à la Fondation Fosun (All About Love Speaks Forever), une rétrospective de Zhou Chunya au Long Museum (le musée privé du collectionneur Wang Wei dont les deux espaces cumulent plus de 40.000m2), l’inauguration du Centre Pompidou de Shanghai ouvert pour cinq ans renouvelables (2019-2024 au West Bund Art Museum), l’ouverture d’une galerie de 1.200m2 par le galeriste français Emmanuel Perrotin (premières expositions avec Pierre Soulages et Jean-Michel Othoniel) et, enfin, la cinquième édition du salon West Bund Art & Design, réunissant les plus grandes galeries internationales dont Ben Brown fine arts, Sadie Coles, Gagosian, Hauser & Wirth, David Zwirner, Gladstone et la Marlborough.
Sur le terrain des enchères, China Guardian organise sa première vente à Shanghai en 1994, année de l’ouverture des bureaux de représentation de Christie’s et Sotheby’s sur place. Lorsqu’elle obtient sa licence pour y organiser des ventes aux enchères (2013), Christie’s mélange l’art occidental à l’art asiatique sur le modèle des sessions hongkongaises. En octobre 2016, Christie’s vend, pour la première fois à Shanghai, une oeuvre de KAWS (Untitled (2013), 248.640$) et une de Olafur ELIASSON (Black Activity Sphere (2009), 17.600$), avec des signatures chinoises incontournables, dont Zeng Fanzhi. La société anglaise récolte alors 8,3m$, avec 14 oeuvres seulement. Elle connaît un pic en 2014 (19,4m$), puis le Marché se rétracte (2,9m$ en 2019) et l’activité est mise en sommeil.
Ventes aux enchères de Christie’s à Shanghai.

Les ventes d’Art Contemporain s’essoufflent après un pic d’activité en 2014.
De Dubaï à Doha
Au début des années 2000, Dubaï et Abu Dhabi commencent à déployer des moyens colossaux pour devenir des destinations culturelles phares. Des salons d’art voient le jour (Art Dubaï et Abu Dhabi Art Fair, toutes deux en 2007) dans l’élan des grands travaux culturels. Abu Dhabi prépare notamment son musée du Louvre conçu par Jean Nouvel, un Guggenheim par Frank Gehry, un centre d’art et de Design imaginé par Zaha Hadid, et un musée maritime pensé par Tadao Ando.
Dubaï attire Christie’s en 2006. Bonhams suit en 2008, une année faste au terme de laquelle la ville devient la capitale du Marché de l’Art au Moyen-Orient. Les ventes d’Art Contemporain connaissent alors une forte progression (+70% en 2008). Globalement, toute la zone Qatar et Emirats arabes unis vit un un âge d’or en 2008, mais le Marché s’essouffle rapidement, et plusieurs artistes du Moyen-Orient accusent ensuite de sévères décotes. L’artiste Najat MAKKI illustre les excès du Marché dubaïote en 2007, année où il décroche 52.000$, cinq fois l’estimation, pour sa toile What happens behind closed Doors (Christie’s Dubaï). Cette même oeuvre n’est pas montée à plus de 19.000$ cinq ans plus tard (Christie’s Dubaï, 18 avril 2012). Le Marché flanche. Bonhams cesse totalement ses enchères sur place en 2012.
A l’époque, il semble plus favorable de miser sur Doha, ce que fait Sotheby’s avec une première vacation en 2009. Doha, capitale du Qatar, tient le Marché de l’Art en haleine depuis qu’elle a décidé de construire sa nouvelle identité culturelle. L’Émirat est un gros client des maisons de ventes pour constituer les collections de ses musées (projet d’une vingtaine de musées de toutes sortes à la fin des années 2000). On attribue à la famille royale du Qatar quelques-unes des transactions les plus spectaculaires des années 2000. Leur budget d’acquisition annuel aurait avoisiné le milliard d’euros, des moyens écrasants face à ceux des plus grands musées new-yorkais (environ trois fois le budget d’acquisition du MoMA à l’époque). Outre des valeurs sûres modernes et d’après-guerre (dont Roy Lichtenstein et Andy Warhol), le Qatar s’intéresse aux vedettes de l’art actuel. Un intérêt confirmé par les expositions majeures inaugurées à Doha par la Sheikha Al-Mayassa, dont celles de Louise Bourgeois (Conscious and Unconscious, 2012), Takashi Murakami (Murakami-Ego, 2012) et Damien Hirst (Relics, 2013 – 2014).
Ventes aux enchères dans la péninsule arabique

A Dubaï, les ventes de Bonhams ont duré quatre ans, contre neuf ans pour Sotheby’s.
Lors de sa vente inaugurale à Doha, en mars 2009 (4,3m$), Sotheby’s teste Damien Hirst sur les Qataris sans grand succès: les trois oeuvres proposées sont ravalées. Les acheteurs locaux n’étaient peut-être pas encore prêts? Le Marché contemporain se contracte surtout sous les effets de la crise des subprimes. Sotheby’s poursuit l’organisation de vacations peu denses, misant sur la mixité des nationalités avec des artistes tels que Dia Azzawi, Nabil Nahas, Wim Delvoye, El Anatsui, Rudolf Stingel ou Christopher Wool. La société affiche des résultats concluants en s’adaptant ainsi au cosmopolitisme local. En avril 2013, elle récolte plus de 15m$ avec une vente hétérogène d’un bon niveau qualitatif. Certaines oeuvres auraient pu être présentées lors d’une vente de prestige new-yorkaise. La toile Rising Down (2008) de Julie MEHRETU part alors pour 3m$, une pièce importante de Donald Judd se vend pour 3,5m$ (Bernstein Bros. Inc. 90-01) et une oeuvre monumentale de l’Egyptien Chant AVEDISSIAN (Icons of the Nile) atteint 1,5m$, la meilleure enchère pour un artiste arabe vivant. En 2015, malgré 11 records, les recettes ont régressé de moitié (7,5m$, vente du 21 avril 2015). L’activité ne cesse de ralentir dans les années qui suivent, et Sotheby’s stoppe ses ventes sur place en 2018, préférant développer son pôle dédié au Moyen-Orient à Londres (département “Contemporary Arab, Iranian & Turkish Art”).
Top 15 des artistes chinois contemporains (2000-2019)
Artiste | Produit | Meilleure année | |
---|---|---|---|
1 | ZENG Fanzhi | 518,5m$ | 2013 |
2 | ZHANG Xiaogang | 357,5m$ | 2007 |
3 | CHEN Yifei | 299,4m$ | 2011 |
4 | ZHOU Chunya | 295,8m$ | 2018 |
5 | LIU Ye | 171,8m$ | 2019 |
6 | YUE Minjun | 159m$ | 2007 |
7 | LIU Wei | 142,9m$ | 2014 |
8 | LUO Zhongli | 120,9m$ | 2013 |
9 | LIU Xiaodong | 118,9m$ | 2010 |
10 | FANG Lijun | 114,9m$ | 2007 |
11 | WANG Yidong | 109,5m$ | 2010 |
12 | HE Jiaying | 100,6m$ | 2013 |
13 | WANG Guangyi | 92,7m$ | 2007 |
14 | AI Xuan | 88,3m$ | 2013 |
15 | YANG Feiyun | 79,5m$ | 2012 |
© artprice.com |
Zeng Fanzhi, Zhang Xiaogang et Chen Yifei ont généré plus d’un milliard de dollars.
Chinese dream
Au milieu des années 2000, Pékin et Shanghai sont devenues les nouveaux “villages de l’industrie culturelle”, pour reprendre l’expression consacrée par le gouvernement chinois. Les artistes chinois acquièrent le statut de véritables “stars”, et leur réussite fait rêver tout un pays.
Les premières flambées au décuple des estimations sont enregistrées dès novembre 2005. Soutenu par une demande nationale croissante et une demande internationale motivée par des cotes explosives, le premier météore chinois ZHANG Xiaogang devance Jeff Koons dans le classement mondial en 2007. ZENG Fanzhi décroche son premier million à Londres la même année, multipliant par onze son estimation basse. Il devient alors le fer de lance de la création chinoise contemporaine, artiste apte à faire face aux performances des Occidentaux les plus cotés. Collectionneurs et investisseurs se ruent sur ses œuvres. En 2008, il voit son diptyque Mask series 1996 No.6 (1996) partir pour 9,6m$, au quintuple de son estimation moyenne (Christie’s Hong Kong). Après 2010, Zeng Fanzhi est porté par des acteurs très influents: Gagosian lui ouvre une exposition à Hong Kong en 2011, et la galerie Hauser & Wirth l’expose de façon concomitante à Hong Kong Zurich et Londres en 2018. Entre temps, le numéro 1 chinois a exposé, entre autres, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et au Louvre.
Nationalités les mieux représentées dans le top 1000

En 2008, les contemporains les plus coûteux sont majoritairement chinois.
Les cotes flambent tellement qu’en 2008, les contemporains les plus coûteux sont majoritairement chinois. La Chine a récupéré son retard sur l’Occident en un temps record. Après cette période faste, parfois excessive, les prix de certains artistes se tassent mais ceux de Zeng Fanzhi, grimpent plus haut encore. Remise aux enchères en 2017, Mask Series 1996 No. 6 (1996) part cette fois pour 13,5m$ (Poly Auction Hong Kong). Devenue une oeuvre emblématique de la réussite de l’art chinois, elle cote 3,9m$ de plus que lors de son premier passage en salle en 2008, soit une hausse de 40% en neuf ans.

Zeng Fanzhi Mask Series 1996 no. 6, 1996 Huile sur toile (diptyque) 200 x 360 cm © 2020 Zeng Fanzhi, Courtesy The Fanzhi Foundation
Zeng Fanzhi est aujourd’hui le numéro 5 des contemporains internationaux, derrière Basquiat, Koons, Hirst et Wool. En 20 ans, l’ensemble de ses oeuvres mises aux enchères a généré 518,5m$. Il est aussi le premier des 32 artistes chinois inscrits dans le Top 100. 32 artistes désormais aussi cotés que les figures tutélaires de l’art européen et américain.
Mieux, ce ratio – un tiers d’artistes chinois dans le top 100 – s’applique aussi au top 1.000, qui rassemble 395 Chinois pour 165 Américains. A l’issue de 20 années d’enchères, la domination chinoise est écrasante, et pèse lourd dans les résultats des maisons de ventes, chinoises comme étrangères.
Evolution de l’indice des prix de Zeng Fanzhi

“No Man’s Land” La quête de parité a gagné le monde de l’art.

No Man’s Land est le titre d’une exposition organisée en 2015 à Miami, regroupant des femmes artistes collectionnées par Don et Mera Rubell, immenses collectionneurs américains et personnalités influentes dans le monde de l’art. Une centaine d’artistes sont mises en exergue, dont les plus demandées du Marché – Njideka Akunyili Crosby, Wangechi Mutu, Sue Williams, Kara Walker, Cecily Brown, Yayoi Kusama, Marlene Dumas, Cady Noland, Aya Takano, Cindy Sherman, Dana Schutz – pour renforcer le poids des femmes dans l’actualité.
En 2015 toujours, la discrimination des femmes dans le monde de l’art est questionnée avec une nouvelle force dans une étude menée par la curatrice et auteure engagée Maura Reilly. Publiée dans Artnews au mois de juin, l’étude de Maura Reilly réactive, nouveaux chiffres à l’appui, le travail mené par les Guerrilla Girls depuis les années 70 pour dénoncer la domination des hommes sur les femmes dans les collections d’art. Leur slogan de l’époque – Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum? – frappait juste: les femmes sont présentes dans les musées lorsqu’elles sont peintes (souvent nues) par des hommes. Leurs oeuvres sont par contre quasi absentes des collections permanentes et sous-représentées dans les expositions temporaires.
Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum? (les Guerilla Girls)
Maura Reilly a démontré que 29% des expositions individuelles organisées entre 2007 et 2014 au Whitney à New York concernaient des femmes, 25% à la Tate Modern à Londres, 20% au MoMA et seulement 16% au Centre Pompidou à Paris. Certaines statistiques se sont améliorées. En 2000, le Guggenheim de New York n’avait aucune exposition consacrée aux femmes, contre 14% en 2014.
Top 15 artistes femmes contemporaines (2000-2019)
Artiste | Produit | Lots vendus | Record | |
---|---|---|---|---|
1 | Cindy SHERMAN | 143,2m$ | 1.284 | 6,8m$ |
2 | Cecily BROWN | 112,8m$ | 229 | 6,8m$ |
3 | Marlene DUMAS | 100,1m$ | 708 | 6,3m$ |
4 | Jenny SAVILLE | 60,6m$ | 69 | 12,5m$ |
5 | Julie MEHRETU | 57,8m$ | 150 | 5,6m$ |
6 | Elizabeth PEYTON | 42,3m$ | 357 | 1,7m$ |
7 | Rosemarie TROCKEL | 33,1m$ | 469 | 5m$ |
8 | Beatriz MILHAZES | 32,9m$ | 116 | 2,1m$ |
9 | Cady NOLAND | 28m$ | 38 | 9,8m$ |
10 | Tracey EMIN | 26,6m$ | 767 | 4,3m$ |
11 | Tauba AUERBACH | 25,6m$ | 118 | 2,3m$ |
12 | Barbara KRUGER | 22,1m$ | 261 | 902.500$ |
13 | Sherrie LEVINE | 21,4m$ | 190 | 962.500$ |
14 | Adriana VAREJAO | 19,6m$ | 51 | 1,8m$ |
15 | Dana SCHUTZ | 18,7m$ | 85 | 2,4m$ |
© artprice.com |
S’occuper des écarts
Bien que les femmes soient très présentes dans le champ de la création et souvent majoritaires dans les programmes d’études artistiques américains, elles ne parviennent pas à mener leur carrière sur un pied d’égalité avec les hommes. Cet écart s’exprime dans les divers champs du monde de l’art: sous-représentation dans les galeries, dans les collections permanentes des musées et, comme nous venons de le voir, dans les expositions temporaires. Cela induit une moindre couverture médiatique que les hommes, et une demande plus faible sur le Marché, d’où de fortes différences aux enchères par rapport à leurs homologues masculins.
A la publication de l’étude de Maura Reilly, le prix le plus élevé pour l’œuvre d’une artiste vivante aux enchères est de 7,1m$, pour un tableau de Yayoi KUSAMA (White No. 28 (1960), Christie’s New York); le plus élevé pour un homme vivant est une sculpture de Jeff Koons, vendue pour 58,4m$ (Balloon Dog (Orange), Christie’s New York). Plus de 50 millions les séparent…
Dans les années suivantes, de nombreuses initiatives menées dans un souci d’équité et de parité amènent des changements positifs, avec des expositions phares (citons Making Space: Women Artists and Postwar Abstraction au MoMA et Champagne Life à la Saatchi Gallery de Londres, en 2016), et le repositionnement de politiques d’acquisitions muséales, notamment via le MoMA Women’s Project (MWP) visant à améliorer le ratio hommes-femmes dans les collections du MoMA.

Cindy Sherman Untitled #92, 1981 C-Print 58,9 x 120,1 cm Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York
Les attributions de hautes distinctions culturelles pour des femmes se sont également accélérées, avec l’attribution du prix Praemium Imperiale (équivalent du Prix Nobel en art) à la Française Annette MESSAGER en 2016, et celle du Lion d’Or de la Biennale de Venise à la pionnière de la performance féministe Carolee SCHNEEMANN en 2017. Une première rétrospective de Schneemann sur le sol américain s’ouvre par ailleurs fin 2017 (MoMA PS1).
Sept femmes se hissent parmi les 100 artistes les plus performants.
Malgré tout, le bilan de ces 20 ans d’enchères laisse perplexe: sept femmes seulement se hissent parmi les 100 artistes les plus performants. Les fortes disparités des prix de leurs oeuvres par rapport à ceux des hommes se répercutent naturellement dans les volumes d’affaires. Dans le chapitre précédent de ce rapport consacré à la “Croissance” du Marché, nous évoquions le fait que la plus performante des femmes, Cindy SHERMAN, est 25ème au classement mondial derrière 24 hommes. Mais ses résultats sont très en-deçà de ceux des hommes les mieux cotés: le volume d’affaires de Sherman est en effet 6,5 fois moins bon que celui de Koons (1er artiste vivant du classement) et son record d’adjudication est 13 fois moindre.
Les sept artistes femmes du top 100 (CA 2000 vs 2019)
- Cindy SHERMAN(américaine) passe de 2,6m$ à 3,7m$ (pic à 22,3m$ en 2014).
- Cecily BROWN (britannique) passe de 241.550$ à 22,5m$.
- Marlene DUMAS (sud-africaine) passe de de 26.942$ à 10,5m$.
- Jenny SAVILLE (britannique) passe de zéro à 15,6m$.
- Elizabeth PEYTON (américaine) passe de 102.300$ à 5,4m$.
- Rosemarie TROCKEL (allemande) passe de 125.200$ à 766.400$ (pic à 8,8m$ en 2014).
- Beatriz MILHAZES (brésilienne) passe de zéro à 276.500$ (pic à 6,9m$ en 2012).
Jenny Saville et Cecily Brown
La part de Marché croissante de quelques femmes va de pair avec leur reconnaissance dans le Panthéon de l’Histoire de l’Art. Le Marché a suivi, et s’est joué pour elles sur les 20 dernières années.
Totalement absente des catalogues d’enchères en 2000, Jenny SAVILLE est désormais très attendue sur le Marché. Connue pour sa participation au mouvement des Young British Artists soutenu par Charles Saatchi, elle s’est particulièrement distinguée en 2018, devenant la plasticienne vivante la plus chère du monde. Sa toile Propped (1992) est alors cédée pour 12,5m$ chez Sotheby’s à Londres, quelques mois après le sacre de David HOCKNEY du côté masculin. Hockney a obtenu 90,3m$ pour Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) (1972), soit 77,8 millions de plus que le record de Saville.
Jenny Saville devient l’artiste vivante la plus chère en 2018.
L’une des plus belles progressions des 20 dernières années est celle de Cecily BROWN. Artiste anglaise lancée par Gagosian, Cecily Brown devance Cindy Sherman dans les classements annuels 2017 et 2018, devenant une figure majeure du Marché de l’Art Contemporain. En 2018, sa toile Suddenly Last Summer (1999) établit un important record à 6,8m$, contre 1m$ en mai 2010 (Sotheby’s). Une progression de prix phénoménale pour la peinture vigoureuse de cette artiste basée à New York, et défendue par de puissants acteurs du Marché dont Charles Saatchi et Larry Gagosian. Le musée Guggenheim, le Whitney, le Metropolitan, la National Gallery ou encore la Tate Gallery peuvent se féliciter d’avoir acquis des œuvres de ce phénomène de la peinture avant que les prix n’atteignent leur seuil actuel…
Une nouvelle génération
Selon Amy Cappellazzo, ancienne directrice de l’Art d’Après-guerre et Contemporain chez Christie’s, le Marché “s’améliore régulièrement pour les femmes à un rythme plus rapide au cours des cinq dernières années qu’au cours des 50 dernières années” (citée dans Taking the Measure of Sexism: Facts, Figures, and Fixes, Artnews, Special Issue “Women in the Art World”, juin 2015). Une tendance confirmée par la nouvelle génération, puisque la part des femmes sur le Marché de l’Art passe de 14% à 31% pour celles nées après 1980.
Les femmes de la nouvelle génération sont mieux représentées.
Parmi la génération montante, Tauba AUERBACH (née en 1981) se hisse à la 120ème place mondiale (2000-2019) bien qu’elle n’ait été introduite aux enchères qu’en 2010. L’artiste américaine a obtenu une reconnaissance internationale particulièrement précoce. En 2006, elle rejoint la célèbre galerie new-yorkaise de Jeffrey Deitch (directeur du Musée d’Art Contemporain de Los Angeles de 2010 à 2013). Depuis, on l’a vue sur les cimaises des plus puissantes galeries (Gagosian, Gladstone, Paula Cooper) ainsi que dans les plus éminentes institutions, notamment avec une exposition personnelle au MoMA en 2012. Elle compte à son actif une centaine d’expositions aux Etats-Unis et en Europe, alors que son travail fait l’objet d’une demande croissante aux enchères. Sa consécration en salles de ventes advient l’année de ses 33 ans (2014), avec trois records millionnaires pour des acryliques cédées entre 1,5m$ et 1,9m$. Un tel cursus dans les années 90 n’aurait pu être attribué qu’à un(e) artiste d’un âge minimum de cinquante ans. Cependant, les prix ont visiblement grimpé trop vite car son Marché se trouve considérablement ralenti, avec de belles oeuvres (chèrement estimées) ravalées au cours des trois dernières années (voir Un nouveau paysage : “Valorisation”, Zombies et requins).
Black (also) matters (in art) Rattraper les oublis de l’histoire en donnant une vraie place aux artistes africains et issus des diasporas: voici l’une des tendances fortes de notre époque.

En donnant du poids aux artistes afro-américains, les collections muséales (et privées) renouvellent les pistes de lecture de l’histoire et de l’iconographie contemporaine, et nous invitent à reconsidérer les codes occidentaux qui ont façonné l’Histoire de l’Art et du Marché.
Le positionnement se fait sentir depuis quelques années par des expositions et publications marquantes, les choix de galeries influentes, les achats médiatiques de stars ou de politiciens, le développement des archives et des acquisitions muséales, les listes d’attente pour espérer acheter les artistes les plus en vue.
Impact des galeries
Sur les 10 dernières années, de puissantes galeries internationales ont intégré des artistes afro-américains, afro-britanniques ou africains, dont le travail est souvent engagé sur des questions identitaires, raciales, culturelles et politiques. David Zwirner travaille notamment avec Kerry James Marshall (depuis 2013), Njideka Akunyili Crosby (2018) et Noah Davis (2020). La galerie Hauser & Wirth défend quant à elle une dizaine d’artistes issus de la diaspora africaine dont Amy Sherald, Lorna Simpson et Mark Bradford qui a inauguré l’espace hongkongais de Hauser & Wirth en 2018. La tendance s’est accélérée avec l’arrivée des artistes Henry Taylor et Simone Leigh dans la même galerie en 2020, et avec l’exposition de l’artiste afro-américain Nathaniel Mary Quinn chez Gagosian en 2019. En galerie comme en salles de ventes, les prix ont grimpé dans une forme d’urgence.
Kerry James Marshall est l’artiste noir-américain vivant le plus coté.
La demande a littéralement explosé à l’annonce de la collaboration de Nathaniel Mary QUINN (déjà chez Almine Rech) avec le puissant Larry Gagosian. Go-Go lui organise une première exposition à Beverly Hills en septembre 2019 (Hollow and Cut) et, dans une parfaite synchronisation, Phillips soumet la première œuvre de Quinn à la loi du plus offrant début octobre. L’oeuvre en question multiplie par 3,5 son estimation haute pour atteindre 261.400$ (Over Yonder, 2015). Après cela, les œuvres de Quinn dépassent systématiquement leurs estimations hautes. Christie’s assure même la promotion du jeune favori dans un article sur les “10 artistes américains d’après-guerre et contemporains à collectionner”. Mais à être trop gourmand, on provoque l’indigestion… En demandant 120.000$ pour une oeuvre de 25 centimètres, la maison de ventes ravale la première oeuvre en mars 2020.
L’engagement des artistes avec des galeries prescriptrices est un formidable accélérateur de cote et un signal fort pour les spéculateurs. Le lien entre la signature d’un contrat et l’explosion des prix est aujourd’hui immédiat. Amy SHERALD décroche son contrat avec la galerie Hauser & Wirth en 2018, l’année même où Michelle Obama lui commande son portrait officiel. Le prix de ses oeuvres passe d’emblée à six chiffres en salles. Signé chez David Zwirner en 2013, Kerry James MARSHALL– passe le million en 2014 avec la toile Vignette (2003), chez Christie’s. L’oeuvre valait 541.000$ en 2007 (Sotheby’s). Bien en place dans les collections du MoMA (avec une trentaine d’oeuvres), Marshall est de cinq ans l’aîné de Basquiat. Il lui aura fallu bien plus de temps que son cadet pour accéder au statut d’icône de la peinture américaine, mais il est devenu l’artiste noir-américain vivant le plus coté de notre époque, avec sa toile Past Times vendue pour 21,1m$ en 2018 (neuf millions au-dessus de l’estimation haute de Sotheby’s).

Portrait de Jean-Michel Basquiat à la Demeure du Chaos © thierry Ehrmann, Courtesy Musée l’Organe
La carrière de Njideka Akunyili CROSBY se joue en 2016, année déterminante au cours de laquelle elle remporte le prix Canson du Drawing Center (New York), expose au Whitney, et passe pour la première fois aux enchères peu avant l’ouverture de sa première exposition à la galerie Victoria Miro à Londres. Galvanisés par tant de signes positifs, les collectionneurs s’arrachent son premier dessin pour plus de 93.000$ en septembre 2016. Deux mois plus tard, Sotheby’s frappe le premier résultat millionnaire (Drown, 2012). En 2017, à l’âge de 35 ans, Njideka Crosby est représentée à la Biennale de Venise avec un large dessin (Cassava Garden, 2015) tandis qu’elle passe les 3m$ en salles de ventes (The Beautyful Ones, en mars 2017). Depuis son arrivée chez David Zwirner en 2018, sa meilleure adjudication culmine à 3,4m$ (Bush Babies).Ces exemples flamboyants ne sont pas isolés. Nombreux sont les acheteurs misant sur le développement d’un artiste qui vient d’intégrer une grande galerie, même lorsque sa réputation reste encore à faire. Certains trentenaires décuplent ainsi leurs estimations, à l’image de Amoako Boafo et Otis Kwame Kye Quaicoe.
Ces trentenaires qui explosent les prévisions
Amoako BOAFO (né en 1984, ghanéen) atteint 881.500$ dès sa première adjudication en février 2020. The Lemon Bathing Suit (2019) était pourtant estimé entre 40.000$ et 65.000$ (Phillips, Londres), mais les oeuvres de Boafo avaient déjà intégré plusieurs musées, dont le musée Albertina (Vienne, Autriche). L’artiste est soutenu par Kehinde Wiley, célèbre pour avoir réalisé le portrait officiel de Barack Obama, et personnalité importante pour le rayonnement des artistes africains. Représenté par la galerie américaine Mariane Ibrahim, le jeune Amoako Boafo symbolise un Marché de l’Art cosmopolite, capable de s’embraser en quelques semaines tout en étant complètement dématérialisé.
Otis Kwame Kyei QUAICOE (né en 1990, ghanéen) dépasse les 200.000$ dès son premier passage en salle en 2020, soit 10 fois l’estimation basse, de surcroît lors d’une vente organisée exclusivement en ligne pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19 (Shade of Black (2018), Phillips, 2 juillet 2020). Une preuve que les portraits de figures noires sont recherchés dans une forme d’agitation spéculative.
Toyin Ojih ODUTOLA (née en 1985 au Nigeria, élevée en Alabama et vivant à New York) fait une entrée fracassante aux enchères en 2018 avec un dessin de 35 centimètres payé 62.500$, contre une estimation de 10.000$ à 15.000$ (From a Place of Goodness, Sotheby’s), l’année de son nouveau contrat avec la galerie Stephen Friedman. Il a passé les 500.000$ depuis.
Tschabalala SELF (née en 1990 aux Etats-Unis). Les 12 œuvres de Tschabalala Self proposées en 2019 ont toutes été vendues au-dessus des estimations de Christie’s, Sotheby’s et Phillips. Avec un prix moyen des toiles de 284.000$ cette année-là, elle a pris la 4ème place mondiale parmi les artistes de moins de 40 ans les plus performants aux enchères. Ses œuvres ont déjà intégré des collections de premier plan, telles que la Rubell Family Collection, le Perez Art Museum à Miami et la Fondation Luma en Suisse. Entrée dans le jeu des enchères en 2019 seulement, son record est établi à 568.000$ en 2020 (Princess #l-20686422 (2017), Phillips Londres).
Christie’s souhaite amplifier les voix de la communauté artistique noire.
Ce n’est pas tout. Les sociétés de ventes prennent elles aussi position sur ce terrain. Dernière initiative en date, celle de Christie’s avec l’exposition virtuelle Say It Loud qui s’est tenue au cours de l’été 2020. Cette exposition présentant des œuvres d’artistes noirs émergents et en milieu de carrière est le premier événement organisé par Christie’s Corporate Social Responsibility (CSR), au sein d’un nouveau département consacré aux “initiatives pour la diversité et l’inclusion”. Christie’s quitte ici son rôle d’opérateur d’enchères pour utiliser son leadership comme une “force positive”, avec une série d’expositions et de programmes éducatifs. L’un des objectifs de la société: amplifier les voix de la communauté artistique noire.
En quête de nouveauté En ce début de XXIème siècle, des cotes se font, d’autres se défont, sur ce secteur toujours avide de nouveauté.

Les galeries sont toujours en quête de jeunes talents, de nouveauté, de singularité et d’efficacité. Il suffit de l’engagement de l’une d’entre elles pour qu’un artiste sorte immédiatement de l’anonymat et que la demande s’en trouve exacerbée. Les prix explosent du jour au lendemain sur le Marché des enchères pour peu que les collectionneurs se retrouvent sur liste d’attente auprès d’une galerie prestigieuse. Les exemples de succès fulgurants ne manquent pas, s’étant multipliés au cours des dernières années. Revenons ici sur quelques cas.
Le parcours de l’artiste irlandaise Genieve FIGGIS (née en 1972) est singulier dans la mesure où il est lié aux réseaux sociaux. L’histoire de sa découverte remonte en effet à 2014 sur Twitter. Séduit par son style unique et son humour macabre, Richard Prince lui achète des œuvres qu’il fait découvrir à Almine Rech. C’est le début d’une collaboration fructueuse entre la galeriste et la jeune inconnue. L’oeuvre percutante de Genieve Figgis rencontre un succès immédiat. Demandées aussi bien par des collectionneurs de New York et Londres que de Hong Kong, toutes ses œuvres se sont vendues depuis son introduction aux enchères en 2018.
Dans des styles différents, la Française Julie CURTISS (née en 1982), le Belge Harold ANCART (né en 1980) et le Brésilien Lucas ARRUDA (né en 1983) comptent parmi les jeunes artistes les plus demandés du Marché. Les prix de Julie Curtiss ont décollé avec son premier solo show organisé à la galerie Anton Kern à New York. Elle n’avait jamais vendu d’oeuvres aux enchères avant cette exposition, pourtant, ses prix ont explosé jusqu’à atteindre 420.000$ en novembre 2019. Lucas Arruda a quant à lui décroché plus de 312.500$ en 2019, pour un paysage intimiste (30,2 x 37,1 cm) acheté peu de temps auparavant chez David Zwirner à New York et estimé autour de 100.000$ par Sotheby’s. Ses œuvres ont intégré les collections de la Fondation Beyeler en Suisse, du Getty Museum de Malibu, de la Rubell Family à Miami, ou de François Pinault.
La réussite du Californien Jonas WOOD illustre encore l’immédiateté et l’efficacité du Marché de l’Art contemporain. Inconnu en salles de ventes il y a 10 ans, Wood compte parmi les 100 artistes les plus performants du monde en 2020, toutes époques et catégories de création confondues. Son oeuvre s’est imposé aux enchères en 2015, année d’une première exposition dans l’antenne hongkongaise de la puissante galerie Gagosian. Porté par un tel mastodonte, le record de Wood a été multiplié par 10 avec Studio hallway #l-9046574 (2010), vendue pour plus de 556.000$ le 10 février 2015 chez Sotheby’s Londres. Quelques mois plus tard, c’est au tour de Christie’s d’enregistrer un nouveau sommet: près 840.000$, le 16 octobre 2015, avec une grande toile que l’on découvrait à la galerie Saatchi de Londres lors de l’exposition Abstract America: New Painting and Sculpture, en 2009 (Untitled (M.V. Landscape). L’artiste a participé depuis aux expositions collectives Human Interest: Portraits from the Whitney’s Collection au Whitney Museum de New York (2016) et One Day at a Time: Manny Farber and Termite Art, au MOCA de Los Angeles. Il a aussi bénéficié d’une première grande rétrospective muséale au Dallas Museum of Art (DMA, 2019), qui le présente comme “l’un des artistes les plus influents et passionnants de notre époque”. Ses prix pourraient encore grimper en fonction de la qualité des expositions à venir.
Mais lorsque certains artistes bénéficient de parcours si heureux, d’autres souffrent d’une demande en dents de scie.
Zombies et requins
Jouant sur les possibilités de rendement extraordinaire du Marché, quelques surdoués des affaires ont propulsé (trop) rapidement de jeunes artistes à de très hauts niveaux de prix. Histoire de pouvoir et de réseaux, pratiques peu conventionnelles quand elles ne sont pas douteuses, la flambée des prix de très jeunes artistes incarnent parfois les excès d’un Marché pollué par la spéculation.
Stefan Simchowitz – alias “le requin de l’art contemporain” (titrait Le Monde du 9 juin 2015) – est aujourd’hui sur la liste noire de plusieurs galeries. Elles refusent de lui vendre des oeuvres. Ce collectionneur-conseiller-marchand a certes eu un rôle actif dans la carrière de plusieurs dizaines d’artistes mais ses méthodes ne plaisent pas à tout le monde. La presse parle de lui comme d’un “prédateur”, un “cynique”, un “spéculateur”, lui reprochant d’acheter à bas prix et de revendre vite, en tirant un maximum de bénéfices, c’est-à-dire de traiter les oeuvres d’art comme des marchandises, ce dont l’homme se défend, insistant sur son rôle de mécène. Ses clients voient par contre en lui un génie de l’opportunisme capitaliste.
Il a en tout cas joué un rôle dans l’escalade des prix de plusieurs artistes, en commençant par acheter et vendre des dizaines d’oeuvres de Sterling RUBY, Joe BRADLEY, Tauba AUERBACH, Cory ARCANGEL et Oscar MURILLO au milieu des années 2000. Des oeuvres valorisées entre 5.000$ et 10.000$ environ à l’époque. Aujourd’hui, Tauba Auerbach est devenue l’une des trentenaires les plus recherchées et rentables du second Marché, Sterling Ruby a dépassé plusieurs fois le million de dollars (2013-2014), Joe Bradley sept fois (2014-2017), et Oscar Murillo est sur orbite depuis qu’il a rejoint la puissante galerie David Zwirner. Plusieurs artistes cependant ont souffert de la revente accélérée de leurs oeuvres.
Produit de ventes des oeuvres récentes (< 5 ans)

Le Marché de l’Art absorbe des oeuvres de plus en plus “fraîches”, parfois achevées quelques semaines avant leur passage aux enchères.
Zombie Formalism
Stefan Simchowitz serait à l’épicentre de la bulle spéculative des années 2012-2014, qui s’est concentrée sur des jeunes artistes au style abstrait, appelé “Zombie Formalism”. Cette expression, lancée par le critique Walter Robinson, décrit des peintures qui ressemblent beaucoup à l’abstraction américaine qu’a défendue Clement Greenberg. Une redite du passé, d’où “zombie”. Les oeuvres sont séduisantes, élégantes mais sans nouvelles intentions artistiques, d’où “formalisme” (Flipping and the Rise of Zombie Formalism, Walter Robinson pour Artspace, 3 avril 2014). Ce “Formalisme Zombie” regroupe des artistes tels que Jacob Kassay, Alex Israel, Lucien Smith, Oscar Murillo et Seth PRICE, dont une oeuvre se vend pour 785.000$ l’année de ses 41 ans, en 2014. Elle était pourtant estimée entre 50.000$ et 70.000$ (Vintage Bomber (2006), Christie’s New York). Seth Price n’a jamais renoué avec des prix si hauts. Autre exemple avec le Brésilien Christian ROSA, qui décroche 209.000$ en 2014 (il a 32 ans), pour une oeuvre estimée au mieux à 80.000$ (Christie’s New York). Ses prix sont revenus à la norme depuis, avec des toiles équivalentes vendues autour de 20.000$.
C’est là que le bât blesse: cette “nouvelle” tendance de l’art abstrait a été portée aux nues par des investisseurs dans le but de faire rapidement des (gros) profits. Après une période de surchauffe, les prix ont atteint un seuil critique, le Marché a implosé et les résultats des jeunes météores se sont effondrés en 2016, aussi rapidement qu’ils avaient flambé. De quoi ruiner des débuts de carrière pour les artistes n’ayant pas encore de galeries suffisamment puissantes et engagées derrière eux.
Variation du CA des artistes du Zombie Formalism aux enchères, entre 2014 et 2016:
Dan COLEN ↘ -97%
Lucien SMITH ↘ -95%
Alex ISRAEL ↘ -94%
Jacob KASSAY ↘ -89%
Oscar MURILLO ↘ -85%
Christian ROSA ↘ -82%
La nouvelle mode africaine
Un an avant l’effondrement des “zombies”, Simchowitz s’était déjà tourné vers ce qui allait devenir la prochaine grande tendance: la jeune scène africaine. En 2015, il achète des oeuvres de Tschabalala SELF pour 6.000$ l’unité. En 2019, il passe par Phillips pour vendre trois de ses peintures: la toile Lilith double son estimation haute en mars (164.000$); Leda la quadruple en juin (301.000$); suivie de Florida en octobre (338.000$, soit 4,5 fois l’estimation haute).
La surenchère semble à nouveau de mise… elle se confirme début 2020 avec les réactions suscitées par le record d’Amoako BOAFO. En février 2020, la toile The Lemon Bathing Suit – achevée par le jeune artiste ghanéen huit mois auparavant – s’envole chez Phillips à Londres pour 881.000$. Un prix explosif face à la fourchette d’estimation comprise entre 39.000$ et 65.000$. Surtout, un résultat indigeste s’agissant de la première apparition de Boafo aux enchères. Stefan Simchowitz avait acquis l’oeuvre pour un peu moins de 25.000$ l’été précédent, auprès de la galerie Jeffrey Deitch (l’oeuvre était consignée par la galerie Roberts Projects). Le gain sur cette oeuvre tourne autour de 680.000$ en moins d’un an.
Cette revente rapide – pour un immense profit – a mis dans l’embarras le galeriste, Jeffrey Deitch, qui ne s’attendait pas à ce coup de couteau dans le dos, ayant vendu l’oeuvre en pensant qu’elle rejoignait une importante collection privée d’art africain contemporain, et qu’elle y resterait. Situation tout aussi embarrassante pour Amoako Boafo, déplorant que son travail soit détourné à des fins spéculatives. Les artistes n’ont pas de contrôle sur le Marché secondaire et Boafo n’a tiré aucun profit direct de la revente de sa toile. Il s’est inquiété au contraire que son travail soit utilisé de la sorte. Aspirant plus à la longévité qu’à l’argent, il préfère intégrer des musées plutôt que d’être le jouet de spéculateurs (Hot New Artist Laments That His Work Is Being Flipped for Profit, Katya Kazakina pour Bloomberg, 12 février 2020). Amoako Boafo est attaché à la valeur immatérielle de son oeuvre, celle qui se révèle avec le temps, le travail critique et la validation des autorités culturelles en place.
Pour Stefan Simchowitz, tout est lié, les instances de validation et les puissances financières soutenant le Marché. Il ne cesse de renvoyer ses détracteurs à “leur hypocrisie”, selon ses mots, et joue de son image sulfureuse. D’une certaine façon, cet influenceur nouvelle génération a pris le relais de Charles Saatchi, qui créait le mouvement et le Marché des Young British Artists dans les années 90.
Top 10 des œuvres d’artistes de moins de 35 ans (2000-2019)
Artiste | Œuvre | Prix | Année | |
---|---|---|---|---|
1 | Raqib SHAW (1974) | Garden of earthly Delights III | 5,5m$ | 2007 |
2 | LIU Chunxi (1981) | Divinity | 3,6m$ | 2010 |
3 | AKUNYILI CROSBY (1983) | Bush Babies | 3,4m$ | 2018 |
4 | Dan COLEN (1979) | Boo Fuck’n Hoo | 3,1m$ | 2014 |
5 | AKUNYILI CROSBY (1983) | The Beautyful Ones | 3,1m$ | 2017 |
6 | AKUNYILI CROSBY (1983) | I Refuse to be Invisible | 2,6m$ | 2017 |
7 | Tauba AUERBACH (1981) | Untitled (Fold) | 2,3m$ | 2014 |
8 | Tauba AUERBACH (1981) | Untitled (Fold) | 2,2m$ | 2015 |
9 | LIU Chunxi (1981) | Animals and lotus | 2m$ | 2010 |
10 | AKUNYILI CROSBY (1983) | Mimetic Gestures | 1,9m$ | 2018 |
© artprice.com |
Hi-lite et Street culture
En novembre 2019, Christie’s organise à Hong Kong une session de vente intitulée Hi-Lite. Avec seulement 16 lots, cette petite vente cristallise l’une des grandes tendances qui animent le Marché de l’Art: une esthétique néo-pop, d’un kitsch décomplexé, menée par des artistes dont les œuvres sont ‘légères’ (‘lite’), faciles à comprendre et à apprécier.
Le catalogue de Christie’s rassemble alors des artistes “dont les connections avec l’art commercial, les dessins animés et la Street culture leur ont valu une renommée internationale. Beaucoup de pièces sélectionnées pour cette vente présentent un style visuel similaire: des formes aplaties, des couleurs vives et des lignes épurées, qui font référence à des images issues des médias populaires, de la mode, de la musique, du graffiti et de l’animation ».
Premier constat, le Hi-Lite n’a pas de frontière géographique. C’est une tendance cosmopolite qui permet de regrouper les Japonais Ayako ROKKAKU, Aya TAKANO, MR , MADSAKI, Osamu TEZUKA, les Européens Erik Parker et Nicolas Party, des stars chinoises comme LIU Ye et des Américains, dont Kaws. Une dynamique à l’échelle mondiale, dans laquelle Hong Kong a joué un rôle prépondérant en termes de valorisation. Cette tendance trouve en effet un très bon écho auprès des acheteurs asiatiques et les 16 lots de la vente de Christie’s ont tous été adjugés à hauteur des estimations, et le plus souvent au-dessus. Au top de la popularité, les artistes du Hi-lite et de la Street Culture incarnent la globalisation du Marché de l’Art.
La session Hi-lite de Christie’s à Hong Kong a mis un nom sur l’un des premiers grands mouvements du XXIème siècle.
Ce mouvement repose d’abord sur trois noms, trois artistes parmi les plus performants du second Marché: Kaws, Takashi Murakami et Yoshitomo Nara. Tous les trois ont été valorisés de façon spectaculaire au cours des 10 dernières années, portés par une cote de popularité explosive et une demande planétaire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le plus performant de tous n’est pas Murakami mais Yoshitomo NARA. En 20 ans, la vente de ses oeuvres a généré 327,7m$ ce qui le porte en 9ème position du classement mondial, devant Keith HARING (Murakami est 15è).
En octobre 2019, Nara pulvérise son record lors d’une vente d’Art Contemporain organisée par Sotheby’s à Hong Kong. Onze ans après avoir franchi pour la première fois le million (Light my Fire , 1,1m$ en 2008), l’une de ses toiles obtient près de 25m$ (Knife Behind Back, 2000). Entre temps, l’univers manga-punk de Nara est devenu culte: primé, exposé dans les grands musées, soutenu par la galerie Marianne Boesky à New York et par Blum & Poe à Los Angeles, diffusé à travers des goodies… Aux enchères, il a vendu plus de 2.700 oeuvres en 20 ans et son indice de prix a augmenté d’environ +1.000% sur la même période.
Kawsmania
Une valorisation plus rapide encore que celle de Nara est celle du “Street artist” américain KAWS, pour qui tout s’est joué sur la dernière décennie. Le nouveau chéri du Marché a collaboré pendant 11 ans avec Emmanuel Perrotin, doué pour anticiper sur les phénomènes culturels. Le galeriste français expose Kaws pour la première fois en 2008, année de son introduction en salles de ventes. L’artiste plafonne à l’époque à 8.750$ pour un Companion (son personnage fétiche) d’environ 120cm édité sur 100 exemplaires. Pour la même pièce aujourd’hui, il faut compter autour de 100.000$.
Entre temps, Emmanuel Perrotin l’a exposé partout: Paris, Tokyo, Hong Kong, Séoul, Shanghai, New York… Et Kaws s’est rendu célèbre en collaborant avec Kanye West, Dior, Nike, Sesame Street et Uniqlo. En quelques années, il est devenu le nouveau phénomène de la culture pop et urbaine, porté par des stars comme Justin Bieber et Pharrell Williams, qui lui font une très belle publicité.
Kaws a remodelé les possibilités d’interagir avec le monde de l’art.
Son record a été établi à 14,8m$ le 1er avril 2019, avec une peinture vendue à Hong Kong par Sotheby’s. L’oeuvre en question, The Kaws Album (2005), détourne le dessin animé des Simpson. Estimée pour 1m$ et vendue presque 15 fois ce prix, elle illustre la frénésie autour de cette signature hyper-populaire. Précisons que l’oeuvre passait sous le feu des enchères au bon moment, l’artiste s’étant assuré un buzz sans précédent en faisant flotter sur le port de Hong Kong une sculpture gonflable de plus de 30 mètres, pendant Art Basel Hong Kong. Deux semaines plus tard à New York, l’acrylique The Walk Home inspirée de Bob l’Éponge, s’envole pour 5,95m$, contre une estimation haute de 800.000$ (Phillips). Avec une vingtaine d’oeuvres millionnaires sur la seule année 2019, et 165,7m$ d’oeuvres adjugées depuis son introduction aux enchères, Kaws intègre le top 20 des contemporains les plus performants du monde. Prisé de l’Asie aux Etats-Unis, il incarne l’esthétique néo-pop dominante d’un Marché globalisé.
Collectionné par des stars, suivi par 3 millions d’abonnés sur Instagram (10 fois plus que Jeff Koons), Kaws a développé ses propres collaborations et son propre réseau en dehors des sentiers battus. Il a ainsi remodelé les possibilités d’interagir avec le monde de l’art. Son étonnante trajectoire interpelle désormais les institutions artistiques. La National Gallery of Victoria de Melbourne lui a récemment dédié une grande rétrospective (Companionship in the Age of Loneliness). Une autre est prévue pour 2021 au Brooklyn Museum.
Le choix multiple Les artistes contemporains ont touché des millions de gens en déclinant leurs oeuvres en éditions 2-D, 3-D ou même virtuelles. Un aspect commercial essentiel vers un art plus démocratique.

Murakami, Nara, Hirst, Koons, Banksy, Shepard Fairey et récemment Kaws… ces artistes sont les plus vendus à travers le monde. Le flux d’oeuvres échangées aux enchères oscillent entre 2.000 et 6.000 lots pour chacun, sur les 20 années écoulées. Dans la lignée de Keith Haring, ces artistes ont créé des productions en série, des œuvres ou des objets plus abordables que ce qui est habituellement présenté en galeries. Repoussant les frontières entre art et commerce de masse, ils séduisent toutes les tranches d’acheteurs, des débutants aux collectionneurs fortunés.
Un art plus démocratique
Keith HARING ouvre la voie d’un art démocratique et commercial en 1986, avec les portes de son Pop Shop à Manhattan. Cette boutique d’art à bas prix vise à toucher le même éventail de personnes qu’avec ses dessins sauvages dans le métro: “pas seulement les collectionneurs”, disait Haring, “mais aussi les enfants du Bronx”. L’objectif était de créer un Marché alternatif destiné aux plus grand nombre. Haring demeure l’un des artistes les plus populaires, les plus demandés, et les mieux vendus de notre époque. Le deuxième au monde, selon un volume de 4.806 transactions en 20 ans (pour 304,4m$ en tout).
30 ans après le Pop Shop, BANKSY lance sa propre boutique (2019), la Gross Domestic Product™ (ou Produit Intérieur Brut™). Mais les codes ont changé depuis Haring. Le Street artist militant travaille par correspondance, avec une boutique uniquement en ligne. De la bombe aérosol à 10£ jusqu’au gilet pare-balles à 850£, ses « produits », comme il les nomme, sont fabriqués à partir d’objets recyclés dans son atelier, et non en usine. Les ventes servent à financer des missions de sauvetage pour les migrants en Méditerranée. Épuisés en un temps record, les “produits” pourraient revenir sur le second Marché tant l’artiste est coté. Banksy est en effet classé 38ème mondial, avec 2.800 lots vendus pour 100,4m$ depuis 2000.
L’autre nouvelle star du Street Art, KAWS (alias Brian Donnelly), revendique l’influence directe de l’activiste Keith Haring. Lors d’un entretien pour The Guardian, il confie “Keith est comme un pont pour moi”, “quand j’étais plus jeune, je n’allais pas dans les galeries, je n’allais pas dans les musées… Il y avait beaucoup de ‘ça c’est de l’art’ ou ‘ça ce n’est pas de l’art’; ‘ceci est commercial’, ‘ceci est du grand art’. Dans mon esprit, je pensais que le but de l’art était de communiquer et d’atteindre les gens. Quel que soit le point de vente utilisé, c’est le bon ». (It has created a sense of hostility: how Kaws made the art world pay attention, Steph Harmon pour The Guardian, 19 septembre 2019).
Parallèlement à ses œuvres très cotées (voir Kawsmania), Kaws utilise des moyens de production à grande échelle pour éditer des t-shirts (il a son propre label streetwear), des sérigraphies, et une centaine de variétés de Art toys (ces figurines inspirées de dessins animés), vendus en éditions limitées – et illimitées – auprès de fans et de collectionneurs.
Mais l’artiste a passé un cap supplémentaire en 2020, en créant une édition d’œuvres virtuelles avec la société Acute Art, spécialiste de la réalité augmentée. Le principe est simple: une fois la figurine virtuelle choisie et le paiement effectué, l’image du Companion peut être incrustée chez soi, au moyen d’une navigation intuitive. 25 Companion de grandes dimensions (1,8 mètres) sont proposés à l’achat pour 10.000$ chacun, tandis que de petits Companion peuvent être loués pour 6,99$ la semaine, 29,99$ le mois… le temps de faire quelques selfies avec son compagnon virtuel pour alimenter les réseaux sociaux et faire le buzz.
Kaws a aussi lancé une exposition mondiale en réalité augmentée – Expanded Holiday – avec 12 sculptures monumentales incrustées (virtuellement) sur tous les continents: devant le musée d’art islamique de Doha, la National Gallery of Victoria de Melbourne, le Louvre à Paris, en passant par New York, Londres, Hong Kong, Tokyo, Séoul, Taipei ou Sao Paulo. Cet ambitieux projet lui a permis d’être le seul artiste “exposé” tout autour de la planète en mars 2020. Que l’oeuvre soit physique ou virtuelle, cette capacité de la décliner à l’infini lui a permis de toucher des millions d’individus et de renforcer encore sa notoriété.
Top des artistes contemporains par nombre de lots vendus (2000-2019)
Plusieurs têtes d’affiche du Street Art dominent le Marché par leurs volumes de transactions. Outre les oeuvres de Keith Haring et de Kaws, celles de Banksy et de Shepard Fairey sont particulièrement prisées. Le nombre de lots vendus a été multiplié par 12 en 10 ans pour le premier, par 33 pour le second. Shepard FAIREY fait partie des cinq contemporains les plus vendus de notre époque (près de 3.000 lots depuis 2000), avec de nombreuses lithographies abordables pour quelques dizaines de dollars seulement. Essentiellement composé d’éditions dont le prix excède rarement 1.000$, son Marché est d’abord français (plus de 80% des lots vendus en 2019), où le Street Art est un Marché en pleine ébullition.
Art + popularité + commerce
Dans la culture japonaise, il n’y a pas de distinction entre culture High et Low, entre art pour musée et art populaire. Takashi MURAKAMI a toujours été désireux de fusionner les Beaux-Arts et la “chose” commerciale, comme le revendiquait son mentor Andy Warhol. Pourquoi séparer ce qui fait partie d’un tout? Surtout aujourd’hui où la circulation des images n’a pas de frontières. L’art de Murakami s’est immiscé partout. Sa production ne se limite pas aux sculptures, peintures, estampes, objets, produits dérivés que l’on rencontre sur le second Marché. Il a multiplié les collaborations, avec la marque de luxe Louis Vuitton, la marque streetwear Supreme, avec Kanye West ou avec la chanteuse californienne Billie Eilish (65,7 millions d’abonnés sur Instagram), tout en conservant un univers extrêmement cohérent.
Murakami est une machine à produire. Il est artiste autant que chef d’entreprise, et dirige une myriade d’assistants au sein de sa Kaikai Kiki Co. Cette entreprise créée au milieu des années 1980 est une Factory du XXIème siècle, une fourmilière engagée dans la production, la vente, et la réalisation de films d’animation. Artiste le plus vendu de la planète (5.512 lots depuis 2000), il est l’un des plus abordables grâce à ses éditions.
Artiste le plus vendu de la planète, Murakami est l’un des plus populaires et abordables.
La dynamique de Jeff KOONS n’est pas éloignée de celle de Murakami. Une partie de sa création est très commerciale pour toucher le plus grand nombre de personnes possible. C’est l’une de ses grandes forces: s’être approprié les mécanismes et les infrastructures de la production industrielle pour créer aussi bien des chefs-d’oeuvre ostentatoires que des “produits” populaires. Ses Puppies et Balloon dogs édités à des milliers d’exemplaires se vendent de quelques centaines de dollars à des dizaines de milliers selon les éditions.
Les Balloon dogs en porcelaine (2.300 exemplaires) s’échangent autour de 15.000$ contre moins de 1.000$ il y a 20 ans. Les prix grimpent autour de 60.000$ pour Balloon Monkey/Balloon Rabbit/Balloon Swan, un ensemble de trois sculptures réalisé avec la maison Bernardaud à Limoges (vente de Leon Gallery à Makati, Philippines, 14 septembre 2019). Ce qui revient à 20.000$ la pièce, contre environ 10.000$ lors de leur mise en vente par Bernardaud en 2017. Le prix moyen d’une sculpture fabriquée avec le concours de la manufacture de Limoges a par conséquent doublé en deux ans. Celui d’un vase Puppy en porcelaine (3.000 exemplaires plus 50 épreuves d’artiste), a lui été multiplié par dix en 15 ans (environ 10.000$). Même diluée à des milliers d’exemplaires, l’oeuvre de Koons aura été un investissement gagnant.
Balloon Dog de Koons, Companion de Kaws, Mr. Dob de Murakami… les artistes “Hi-Lite” les plus appréciés ont su créer des personnages récurrents à l’esthétique enfantine et satirique immédiatement reconnaissable. En somme, ils ont su créer leur marque de fabrique.
Agilité digitale Le Marché de l’Art est en retard dans le train de la digitalisation. Avec la crise liée au coronavirus, il a été contraint de s’arrêter, pour mieux accélérer.

L’année 2020 restera gravée dans toutes les mémoires. Peu avant le printemps, toute l’activité “normale” s’est retrouvée totalement paralysée dans la tourmente d’une crise sanitaire sans précédent. Ce n’est pas la première crise que le Marché de l’Art doit absorber. Celle liée à la guerre du Golfe avait conduit à un gel des achats et à une forte baisse des prix de l’art pendant trois ans. Entre 1990 et 1993 les prix négociés tombaient alors de moitié. La deuxième crise, liée aux subprimes, se fait sentir à l’automne 2008 après la faillite de la banque Lehman Brothers. Elle n’entraîne pas de gel d’achats comme au début des années 90, mais elle a pour conséquence une importante baisse des prix (-27,1% sur l’année 2008, suivie d’une baisse de -4,4% sur le premier semestre 2009), et une perte considérable de chiffre d’affaires pour les sociétés de ventes. En 2009, un an après la crise des subprimes, le nombre d’œuvres dépassant les 10m$ a fléchi de -75%; mais la chute est brève, avec un retour à la croissance constaté dès 2010.
Jamais l’Industrie de l’Art n’a cependant été confrontée à une crise comparable à celle liée à la Covid-19. Les musées, les foires, les galeries, les centres culturels, les maisons de ventes doivent s’aligner sur les recommandations des gouvernements dans le but de contenir la propagation du virus, en fermant leurs portes au public après le 11 mars 2020. Les conséquences sont terribles pour de nombreuses galeries, dont certaines voient leur chiffre d’affaires s’effondrer (parfois de plus de 90%). Du côté des sociétés d’enchères, l’urgence sanitaire a entraîné le report, voire l’annulation pure et simple des ventes physiques.
Le monde de l’art est en retard si vous pensez à d’autres expériences de vente au détail. (David Zwirner)
Résultats semestriels de l’Art Contemporain

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a fortement impacté le chiffre d’affaires du Marché de l’Art Contemporain.
De nouvelles initiatives
Si la crise de la Covid-19 a été redoutable pour les affaires des galeries et des sociétés de ventes, elle a aussi constitué un moment de réflexion et d’exploration, pour trouver rapidement de nouvelles façons de faire dialoguer les professionnels de l’art avec leur public. Suite à l’annulation de son événement physique, Art Basel Hong Kong lance un substitut en ligne de sa foire. Cette initiative a attiré un nombre impressionnant de visiteurs virtuels: 250.000, contre moins de 90.000 visiteurs physiques pour l’édition de Art Basel Hong Kong en 2019.
Les exposants ont ainsi été en mesure de présenter leurs œuvres et de réaliser plusieurs belles ventes, dont une sculpture d’Antony GORMLEY partie à près de 500.000$ chez Continua, et un tableau de Marlene DUMAS vendu pour 2,6m$ chez David Zwirner. Précisons que la galerie de David Zwirner, très avancée digitalement avec ses “viewing rooms”, a habitué son réseau aux visites et aux achats en ligne. La galerie dispose même d’un département alloué au développement digital et aux ventes en ligne, département comptant 12 personnes, dont quatre auraient été embauchées au cours du premier trimestre 2020.
Mi-mars, David Zwirner affirmait au New York Times: “Le monde de l’art est en retard si vous pensez à d’autres expériences de vente au détail” (Art Galleries Respond to Virus Outbreak With Online Viewing Rooms, cité par Robin Pogrebin, 16 mars 2020). Pour les salons, comme pour les galeristes et les sociétés de ventes, il aura fallu une situation d’urgence pour donner un coup d’accélérateur au développement digital.
Les habitudes d’achat sont déjà bouleversées.
Les sociétés de ventes ont pour leur part évité le pire scénario – celui d’un arrêt total du Marché – en faisant évoluer en urgence leur site internet pour multiplier les ventes en ligne, seul canal pour poursuivre le jeu des enchères et rester en lien avec les collectionneurs.
Au début de la crise, Sotheby’s a pris de l’avance sur la concurrence en mettant les ventes en ligne au cœur de sa stratégie de développement. Son rachat par le magnat des médias et des télécommunications Patrick Drahi en 2019 semble avoir encouragé cette évolution. Après avoir progressé de 25% en 2019, les ventes en ligne de Sotheby’s prennent encore une autre tournure en 2020. Courant mars, la société américaine a déjà vendu 10 fois plus d’œuvres que sa rivale Christie’s. En avril, elle génère 6,4m$, un record pour ses ventes en ligne. Plus de la moitié des lots vendus dépassent alors leur estimation haute. Depuis leurs écrans, et malgré une période de grande incertitude, les enchérisseurs ont stimulé des enchères bien au-delà de ce que l’on aurait cru. Avant l’été, les habitudes d’achat sont déjà bouleversées: les ventes en ligne de Sotheby’s ont attiré entre 30% et 35% de nouveaux enchérisseurs.
Le premier résultat millionnaire est obtenu avec une toile de George CONDO poussée à 1,3m$, au double de sa mise à prix (Antipodal Reunion, 2005). Il s’agit alors du prix le plus élevé jamais payé pour un tableau lors d’une vente en ligne de la société américaine. Comme le laisse présager ce résultat, la qualité des œuvres proposées et les niveaux d’enchères vont augmenter rapidement dans les semaines suivantes.
Le 29 juin, Sotheby’s passe un nouveau cap, en vendant – toujours en ligne – un triptyque majeur de Francis BACON pour 84,5m$ (« Inspired by the Oresteia of Aeschylus », 1981). Dans ce contexte inédit, la société de ventes prouve alors que le business haut de gamme n’est pas mort avec la crise sanitaire et que, même dans une période de fragilité économique, elle est capable de convaincre les collectionneurs de vendre des œuvres de haut calibre. La vente de ce triptyque a fait entrer le Marché de l’art dans une nouvelle ère, celle des ventes virtuelles de prestige.
Les 10 oeuvres contemporaines les mieux vendues en ligne
Artiste | Œuvre | Prix | Date | Maison de ventes | |
---|---|---|---|---|---|
1 | Jean-Michel BASQUIAT | Untitled (Head) (1982) | 15,2m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
2 | Jean-Michel BASQUIAT | Untitled (Return of the Central Figure) (1983) | 2,9m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
3 | Matthew WONG | The Realm of Appearance (2018) | 1,8m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
4 | George CONDO | Woman With Golden Hair (2018) | 1,6m$ | 28/05/2020 | Sotheby’s, Londres |
5 | Takashi MURAKAMI (1962) | Flower Matango A (2001-2006) | 1,4m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
6 | Sean SCULLY | If (1986) | 1,3m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
7 | Richard PRINCE | Untitled (Cowboy) (2015) | 1,3m$ | 29/06/2020 | Sotheby’s, New York |
8 | George CONDO | Antipodal Reunion (2005) | 1,3m$ | 21/04/2020 | Sotheby’s, Londres |
9 | Christopher WOOL | Untitled (1988) | 1,2m$ | 14/05/2020 | Sotheby’s, New York |
10 | ZHANG Xiaogang | Heaven No.4 (2010) | 1,1m$ | 25/06/2018 | Asta Guru, Mumbai |
© artprice.com |
En vente en ligne comme en vente physique, Basquiat remporte les meilleurs scores.
Christie’s augmente la réalité
Après deux mois de mise en place et de tests, Christie’s passe à la vitesse supérieure en mai, multipliant par deux le nombre de ses ventes en ligne. Puis elle redouble d’effort et d’ingéniosité pour faire repartir son Marché haut de gamme en juillet, au cours d’une grande session intitulée “ONE: A Global Sale of the 20th Century”. Première du genre, décrite comme un “événement sans précédent” dans le communiqué de presse de la maison de ventes, ONE regroupe quatre sessions de prestige, à Hong Kong, Paris, Londres et New York. Quatre ventes transfrontalières en une, jouant avec les fuseaux horaires, l’espace et le temps, à travers des live relayés sur Internet. 80 pièces exceptionnelles se vendent ainsi aux quatre coins du monde: 10 à Hong Kong, 15 à Paris, 21 à Londres et enfin 34 à New York, le tout pour 420m$. George Condo marque la première partie asiatique, avec 6,9m$ pour la toile Force Field (2010). Les nouvelles stars de la peinture contemporaine Jonas WOOD et Nicolas PARTY dépassent tous les deux le million de dollars, avec deux natures mortes. L’oeuvre la plus contemporaine de la “session” new-yorkaise, Stranger #34 (2008) de Glenn LIGON, part pour 1,8m$.
Finalement, le Monde de l’Art se virtualise.
ONE est une vente expérimentale à bien des égards: en plus d’utiliser l’ubiquité numérique, elle a misé sur la réalité augmentée (RA). Des QR codes associés aux oeuvres permettaient de projeter virtuellement celles-ci dans le salon des futurs enchérisseurs. Une opération immersive dans l’air du temps, que l’artiste KAWS avait d’ailleurs anticipé en mars, avec des Companions virtuels à télécharger sur smartphone. En 2020, finalement, le Monde de l’Art se virtualise.
Jusqu’alors, les nouvelles technologies appliquées à l’Industrie de l’Art permettaient d’explorer une oeuvre dans ses détails infimes, de zoomer sur son moindre coup de pinceau. Désormais, elles permettent aussi d’accrocher (virtuellement) l’oeuvre à son mur, avec une qualité d’immersion naturellement amenée à se développer dans le futur. Ces nouveaux outils pourront aider à motiver les intentions d’achats. Pour beaucoup d’acheteurs encore, le contact physique avec l’œuvre est essentiel à la prise de décision, mais il le sera naturellement moins pour les “digital native” qui arrivent sur le Marché.
Evolution du produit des ventes en ligne

Top 100 artistes contemporains aux enchères (2000-2019)
Artiste | Origine | Produit de ventes | Lots vendus | Record | |
---|---|---|---|---|---|
1 | Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) | US | 2.175.601.772$ | 1.480 | 110.487.500$ |
2 | Jeff KOONS (1955) | US | 938.580.226$ | 1.902 | 91.075.000$ |
3 | Damien HIRST (1965) | GB | 695.561.587$ | 4.244 | 19.213.271$ |
4 | Christopher WOOL (1955) | US | 623.835.363$ | 565 | 29.930.000$ |
5 | ZENG Fanzhi (1964) | CN | 518.502.109$ | 639 | 23.276.760$ |
6 | Richard PRINCE (1949) | PA | 506.072.375$ | 1.110 | 9.685.000$ |
7 | Peter DOIG (1959) | UK | 490.529.397$ | 695 | 28.810.000$ |
8 | ZHANG Xiaogang (1958) | CN | 357.471.050$ | 744 | 12.142.379$ |
9 | Yoshitomo NARA (1959) | JP | 327.724.900$ | 2.727 | 24.949.674$ |
10 | Keith HARING (1958-1990) | US | 304.437.285$ | 4.806 | 6.537.500$ |
11 | CHEN Yifei (1946-2005) | CN | 299.452.954$ | 425 | 22.640.280$ |
12 | ZHOU Chunya (1955) | CN | 295.848.941$ | 1.067 | 6.743.740$ |
13 | Rudolf STINGEL (1956) | IT | 258.655.405$ | 295 | 10.551.500$ |
14 | Martin KIPPENBERGER (1953-1997) | DE | 234.731.788$ | 870 | 22.565.000$ |
15 | Takashi MURAKAMI (1962) | JP | 223.886.526$ | 5.512 | 15.161.000$ |
16 | Anselm KIEFER (1945) | DE | 192.988.211$ | 501 | 3.997.805$ |
17 | George CONDO (1957) | US | 190.719.780$ | 996 | 6.162.500$ |
18 | LIU Ye (1964) | CN | 174.088.326$ | 452 | 6.652.788$ |
19 | KAWS (1974) | US | 165.762.183$ | 2.104 | 14.772.677$ |
20 | Mark GROTJAHN (1968) | US | 165.393.909$ | 199 | 16.767.500$ |
21 | Anish KAPOOR (1954) | IN | 160.687.722$ | 593 | 3.877.856$ |
22 | YUE Minjun (1962) | CN | 159.025.982$ | 546 | 6.934.018$ |
23 | Mark BRADFORD (1961) | US | 150.266.461$ | 104 | 11.979.851$ |
24 | Andreas GURSKY (1955) | DE | 145.196.682$ | 612 | 4.338.500$ |
25 | Cindy SHERMAN (1954) | US | 143.201.438$ | 1.284 | 6.773.000$ |
26 | LIU Wei (1965) | CN | 142.889.765$ | 463 | 5.010.360$ |
27 | Albert OEHLEN (1954) | DE | 132.382.077$ | 352 | 7.552.473$ |
28 | LUO Zhongli (1948) | CN | 120.860.694$ | 566 | 7.249.370$ |
29 | LIU Xiaodong (1963) | CN | 118.962.884$ | 194 | 8.526.560$ |
30 | FANG Lijun (1963) | CN | 114.897.985$ | 379 | 7.661.024$ |
31 | Cecily BROWN (1969) | GB | 112.807.340$ | 229 | 6.776.200$ |
32 | WANG Yidong (1955) | CN | 109.543.451$ | 295 | 3.380.310$ |
33 | Maurizio CATTELAN (1960) | IT | 108.031.250$ | 615 | 17.189.000$ |
34 | Sean SCULLY (1945) | IE | 104.308.488$ | 811 | 1.760.000$ |
35 | Mark TANSEY (1949) | US | 102.691.761$ | 79 | 7.453.600$ |
36 | Miquel BARCELO (1957) | ES | 101.043.596$ | 553 | 6.322.155$ |
37 | HE Jiaying (1957) | CN | 100.566.081$ | 536 | 2.267.340$ |
38 | BANKSY (1974) | GB | 100.430.932$ | 2.815 | 12.230.208$ |
39 | Marlene DUMAS (1953) | ZA | 100.083.485$ | 708 | 6.333.848$ |
40 | Antony GORMLEY (1950) | GB | 93.710.966$ | 528 | 6.911.977$ |
41 | WANG Guangyi (1957) | CN | 92.695.076$ | 623 | 4.136.541$ |
42 | AI Xuan (1947) | CN | 88.327.313$ | 395 | 3.762.296$ |
43 | Kerry James MARSHALL (1955) | US | 88.119.218$ | 69 | 21.114.500$ |
44 | Adrian GHENIE (1977) | RO | 87.944.652$ | 136 | 9.054.022$ |
45 | John CURRIN (1962) | US | 86.163.863$ | 174 | 12.007.500$ |
46 | Thomas SCHÜTTE (1954) | DE | 82.782.966$ | 302 | 5.317.000$ |
47 | YANG Feiyun (1954) | CN | 79.471.568$ | 217 | 5.440.650$ |
48 | Wade GUYTON (1972) | US | 76.657.692$ | 171 | 5.989.000$ |
49 | WANG Mingming (1952) | CN | 72.811.079$ | 1.159 | 1.395.847$ |
50 | CAI Guoqiang (1957) | CN | 69.682.287$ | 335 | 9.548.229$ |
51 | Hiroshi SUGIMOTO (1948) | JP | 68.162.478$ | 1.804 | 1.888.000$ |
52 | Günther FÖRG (1952-2013) | DE | 66.672.251$ | 1.708 | 1.220.000$ |
53 | ZHU Xinjian (1953-2014) | CN | 62.356.963$ | 2.755 | 1.032.873$ |
54 | Mike KELLEY (1954-2012) | US | 61.684.206$ | 365 | 3.301.000$ |
55 | Jenny SAVILLE (1970) | GB | 60.565.016$ | 69 | 12.490.583$ |
56 | LIU Dawei (1945) | CN | 60.190.374$ | 633 | 2.723.028$ |
57 | AI Weiwei (1957) | CN | 58.722.792$ | 345 | 5.424.347$ |
58 | Robert GOBER (1954) | US | 58.406.216$ | 233 | 7.287.500$ |
59 | Julie MEHRETU (1970) | ET | 57.797.918$ | 150 | 5.631.696$ |
60 | Glenn BROWN (1966) | GB | 57.067.744$ | 80 | 8.086.410$ |
61 | YAN Pei-Ming (1960) | CN | 57.029.680$ | 281 | 2.048.976$ |
62 | SHI Guoliang (1956) | CN | 55.933.562$ | 761 | 1.826.867$ |
63 | Jonas WOOD (1977) | US | 54.748.359$ | 255 | 4.928.500$ |
64 | LENG Jun (1963) | CN | 53.509.257$ | 205 | 10.009.423$ |
65 | Neo RAUCH (1960) | DE | 53.171.486$ | 477 | 1.746.631$ |
66 | Glenn LIGON (1960) | US | 51.718.986$ | 242 | 3.973.000$ |
67 | HUANG Jiannan (1952) | CN | 51.193.375$ | 122 | 6.561.762$ |
68 | Urs FISCHER (1973) | CH | 49.553.306$ | 95 | 6.802.500$ |
69 | Thomas STRUTH (1954) | DE | 49.401.311$ | 775 | 1.810.000$ |
70 | FANG Chuxiong (1950) | CN | 46.685.367$ | 1.483 | 529.368$ |
71 | Juan MUÑOZ (1953-2001) | ES | 46.464.919$ | 170 | 5.428.395$ |
72 | Robert LONGO (1953) | US | 45.961.451$ | 1.116 | 1.575.000$ |
73 | Vik MUNIZ (1961) | BR | 43.080.450$ | 1.085 | 293.000$ |
74 | Julian SCHNABEL (1951) | US | 42.627.306$ | 505 | 1.452.500$ |
75 | Elizabeth PEYTON (1965) | US | 42.333.156$ | 357 | 1.745.000$ |
76 | Robert COMBAS (1957) | FR | 41.708.716$ | 2.798 | 353.446$ |
77 | XUE Liang (1956) | CN | 40.266.656$ | 528 | 2.143.595$ |
78 | I Nyoman MASRIADI (1973) | ID | 39.799.622$ | 227 | 1.006.434$ |
79 | Felix GONZALEZ-TORRES (1957-1996) | CU | 39.118.991$ | 143 | 7.669.000$ |
80 | Robert MAPPLETHORPE (1946-1989) | US | 38.656.773$ | 1.705 | 726.435$ |
81 | CHEN Danqing (1953) | CN | 38.211.378$ | 183 | 3.553.500$ |
82 | Tony CRAGG (1949) | GB | 38.205.535$ | 424 | 1.051.086$ |
83 | William KENTRIDGE (1955) | ZA | 37.768.592$ | 1.269 | 1.538.500$ |
84 | Marc QUINN (1964) | GB | 37.710.281$ | 481 | 1.325.000$ |
85 | REN Zhong (1976) | CN | 37.607.375$ | 368 | 2.760.406$ |
86 | Chris OFILI (1968) | GB | 37.464.245$ | 341 | 4.541.955$ |
87 | LI Chen (1963) | TW | 36.459.953$ | 233 | 1.426.735$ |
88 | Thomas RUFF (1958) | DE | 35.971.976$ | 1.450 | 240.379$ |
89 | Subodh GUPTA (1964) | IN | 34.675.415$ | 146 | 1.198.592$ |
90 | Sterling RUBY (1972) | DE | 34.591.730$ | 223 | 1.785.000$ |
91 | Luc TUYMANS (1958) | BE | 34.573.115$ | 375 | 2.699.750$ |
92 | XU Bing (1955) | CN | 34.343.266$ | 272 | 1.884.850$ |
93 | YIN Zhaoyang (1970) | CN | 34.110.319$ | 275 | 1.655.181$ |
94 | Ronald VENTURA (1973) | PH | 33.875.720$ | 227 | 1.082.812$ |
95 | HE Duoling (1948) | CN | 33.408.333$ | 193 | 1.707.960$ |
96 | Ugo RONDINONE (1964) | CH | 33.284.074$ | 333 | 1.131.000$ |
97 | Rosemarie TROCKEL (1952) | DE | 33.143.278$ | 469 | 4.981.000$ |
98 | Beatriz MILHAZES (1960) | BR | 32.924.650$ | 116 | 2.098.500$ |
99 | Joe BRADLEY (1975) | US | 32.829.770$ | 97 | 3.077.000$ |
100 | XU Lele (1955) | CN | 32.654.192$ | 823 | 1.420.848$ |
Découvrir la suite du top 1000 | |||||
© artprice.com |