Les marchés financiers ou l’illusion d’une croissance infinie
Auteur Benoist ROUSSEAU pour ROCHEGRUP publié le 04 Octobre 2020
Biographie:
Benoist Rousseau, né en 1974, est historien économiste de formation, diplômé de l’Université Paris Sorbonne et titulaire de la Certification Professionnelle des Acteurs des Marchés Financiers de l’Autorité des Machés Financiers.
Il a été consultant formateur pour de nombreuses multinationales (Renault, Sanofi, L’Oréal…), mais aussi historien d’entreprise pour Elf Aquitaine en coordination avec l’Institut d’Histoire du Temps Présent (I.H.T.P) rattaché au C.N.R.S. Professeur d’histoire pendant 12 ans, il a démissionné de son poste d’enseignant en 2010 pour créer une Web Agency SEO et se consacrer au trading en compte propre.
Spécialisé dans le scalping et day trading, contribuant à de nombreux journaux online (Trader’s Mag, Atlantico…), il est aussi un blogueur actif sur Andlil.com où il partage sa passion pour le trading et sa vision des marchés financiers. Son ouvrage « Devenez Trader Pro », traduit en 4 langues, est numéro 1 des ventes en Bourse sur Amazon depuis de nombreux mois.
Depuis le choc de la crise des subprimes en 2008 et la faillite de Lehman puis la crise Européenne de 2010, les banques centrales ont pris un poids majeur dans l’évolution des cours boursiers. Elles sont devenues des figures tutélaires guidant les investisseurs. À tel point que certains vont jusqu’à imaginer que nous sommes dans une phase de croissance infinie, protégés par les banques centrales Mais ceci n’est qu’une illusion groupale extrêmement dangereuse.
Les banques centrales ou le mythe du sauveur
Après une décennie de hausse quasiment en ligne droite, nous nous sommes habitués à acheter. Les PermaBears se sont faits totalement laminés par la puissance de la vague haussière historique. La politique des banques centrales de l’ensemble de la planète a été plus qu’accommodante, des taux quasiment nuls, des liquidités illimitées, les rachats en tout genre pour soutenir les marchés… Merci encore.
De plus, une certitude à dominer une grande partie des intervenants sur les marchés financiers : plus jamais les banques centrales ne laisseront un nouveau Lehman, le Too Big to Fail est devenu une certitude protectrice. Si des entreprises majeures risquent la faillite, l’État interviendra via une nationalisation au pire.
Dans ce climat d’un optimisme béat, rassuré et encadré par les banques centrales, le marché n’a fait que monter via des injections monétaires. Au moindre risque de calage du moteur économique, on injectait des liquidités massivement. Le toujours plus. Mais le toujours plus à des limites, le mûr de la réalité.
Tout repose sur la confiance
Je considère que nous sommes dans une phase d’infantilisation des marchés financiers, les banques centrales ont fait office du Père protecteur et rassurant pendant une décennie. Nous étions dans une économie dirigée où l’offre et la demande étaient perverties par les achats et injections des banques centrales. Le jeu était truqué.
Mais maintenant les banques centrales sont à bout de souffle. Approchant les taux zéro, elles n’ont plus beaucoup de marge de manœuvre pour rassurer les investisseurs dopés à l’argent facile. Elles n’ont plus qu’un fusil à un coup. Elles ne peuvent pas remonter les taux sans que les adolescents gâtés ne réagissent avec violence n’acceptant pas la frustration de la fin de l’Age d’or financier. Elles se sont piégées elles-mêmes.
Et si la confiance disparaît… les abysses
Tout repose sur la confiance en bourse. Dans un marché optimiste tout monte, du fleuron technologique à l’entreprise au bord de la faillite. Il y a une irrationnalité collective, une contamination en bourse comme nous l’avons vu dans les années 2000 avec la bulle internet.
Mais cette irrationalité est encore plus grande en phase de baisse. C’est le sauve qui peut, toutes les entreprises sont massacrées. Le véritable danger est que le marché infantilisé attendra comme en mars 2020 que les banques centrales interviennent en cas de baisse. Elles interviendront, elles n’ont plus le choix, elles se sont mises dans cette position flatteuse et maintenant dangereuse.
Mais si elles n’arrivent pas à rassurer à ce moment-là, la chute boursière risque de s’amplifier et de créer un effet de vraie panique. Papa n’est plus là pour rattraper et soutenir les marchés, les adolescents vont s’affoler et nous aurons un effet boule de neige incontrôlable. Et avec l’inflation qu’il y a sur les marchés financiers jusqu’où tomberons-nous ?
Car chose étrange, malgré l’argent gratuit, nous n’avons pas connus d’inflation. Des économistes s’interrogent, même les Keynésiens, mais où est l’inflation ? Nous l’avons probablement sous les yeux : les marchés financiers ont absorbé l’inflation monétaire. Nous avons une bulle mais contrairement à 2000, elle n’est pas concentrée sur un secteur précis. La bulle est sur l’ensemble des actions, des technologiques aux pharmaceutiques en passant par le luxe etc. Tous les secteurs ont profité de cette décennie de largesses inédites. Une Méga bulle est-elle ous nos yeux ? La Mère des Bulles ?
Nous risquons de payer très chèrement cette illusion de la croissance infinie des marchés financiers portée et protégée par les banques centrales. Elles naviguent au milieu des récifs sans aucune marge de manœuvre. Elles doivent coutent que coutent entretenir l’illusion de la bulle infinie et de leur toute puissance. Si cette illusion se fissure… nous allons vivre des réservations baissières en cascade et la décennie de hausse pourrait être anéantie en quelques semaines ou mois… Le temps de l’insouciance de l’adolescence est bientôt fini, le temps de la raison et de la maturité va survenir. Combien pourront passer ce cap et s’adapter ?