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L’Union européenne des prix reste désunie

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L’Union européenne des prix reste désunie

The Economist le 13.09.2020

Malgré le marché et la monnaie uniques, les prix des produits de grande consommation varient fortement d’un pays membre à l’autre. Des inégalités contre lesquelles lutte Bruxelles. Difficilement.

Si vous êtes un jeune parent européen, vous aurez peut-être remarqué les énormes variations du prix des couches pour bébé vendues en ligne sur les différents sites nationaux. Sur le site Amazon espagnol, les trois maxipacks de Pampers coûtent 168 euros, alors que sur le site britannique, ils s’affichent à 74 euros. Une cafetière Espresso haut de gamme vous sera facturée 460 euros sur Amazon France, contre 301 euros sur le site allemand du géant du e-commerce.

Même si elle se targue d’avoir construit un marché unique, l’Union européenne est loin d’afficher des prix uniques. Dans un marché intégré les prix devraient finir par converger. Force est de constater que depuis 2008, ce processus s’est enrayé : les grandes phases d’intégration, comme l’adoption de l’euro, se font désormais plus rares. L’augmentation des salaires en Europe orientale n’est plus aussi rapide qu’il y a quelques années. Des entreprises particulièrement choyées par les Etats dominent certaines industries. Il n’est pas rare de voir un Belge aller chercher ses analgésiques en Hollande, où ils sont vendus dans n’importe quel supermarché, alors que les pharmacies belges, qui ont le monopole de leur vente dans le pays, les surfacturent. Jeu des fournisseurs.

Bien entendu, certaines différences de prix se comprennent. A l’intérieur même des frontières d’un pays, elles existent : un même produit n’a pas la même valeur au cœur de Paris et dans un hypermarché de la périphérie d’une ville moyenne française. Logique aussi qu’il puisse y avoir des différences à l’intérieur d’un bloc économique qui comprend aussi bien l’Allemagne, avec un PIB par tête de 39 130 euros, que la Bulgarie, où celui-ci n’est que de 8 237 euros. Résultat, les prix varient d’environ 20 % sur les produits électroniques, jusqu’à 40 % pour l’habillement. Sur les couches pour bébé, la différence reste tout de même très étonnante : de 0,11 à 0,61 euro, selon le pays.

Résorber ces différences ne va pas de soi. Les frontières nationales existent toujours dans l’Union européenne. Aux Etats-Unis, passer d’un Etat à l’autre ne change pas grand-chose pour la plupart des entreprises. Amazon y facturera un article au même prix, qu’il soit commandé en Alabama ou en Californie. Franchissez une frontière à l’intérieur de l’Union et vous voilà confronté à un nouveau régime juridique, à une nouvelle langue, à une autre culture du consommateur.

Les frais de livraison sont souvent élevés en Europe, et acheter ses produits là où ils sont bon marché à partir d’un pays où ils sont chers n’est pas facile, ou très coûteux – surtout s’ils sont volumineux, comme les couches pour bébé. Et les fournisseurs, qui n’aiment pas voir les produits d’un marché peu coûteux infiltrer un marché plus cher, ne montrent aucun empressement à régler le problème. Consommateurs avertis.

L’Union européenne a pris certaines mesures. Il est désormais illégal pour un site Web de bloquer les commandes passées à partir d’un autre pays. Une avancée qui résulte d’une procédure ouverte par les autorités européennes quand elles se sont rendu compte que Disneyland Paris empêchait les visiteurs non-français de profiter de ses meilleures promotions. L’Union européenne a également créé une base de données sur les tarifs des entreprises de livraison dans l’espoir que les consommateurs l’utiliseront pour faire baisser les prix. Ces interventions semblent donner des résultats. En 2010, à peine un Européen sur dix achetait sur un site étranger ; en 2018, 28 % d’entre eux le faisaient. De manière assez improbable, le comportement en ligne des citoyens pourrait ainsi finir par devenir un puissant moteur de l’intégration européenne.